A huit jours de la probable levée du confinement, le Ministère du travail a publié le 3 mai 2020 un « Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la sécurité et la santé des salariés » dont nous proposons une rapide analyse et une synthèse des 8 chapitres qu’il contient.

Par Hugues Wedrychowski

 

Dans son communiqué, la Ministre du travail rappelle que « la reprise de l’activité est essentielle pour éviter l’effondrement de notre économie mais que cette reprise doit nécessairement se faire dans le respect de la protection de la santé des salariés ».

 

La Ministre rappelle d’ailleurs aussi que « le télétravail doit rester la norme pour toutes les activités qui le permettent pour les prochaines semaines ».

 

Ce protocole national :

  • est destiné à aider et accompagner les entreprises à reprendre leur activité tout en assurant la protection de la santé de leurs salariés grâce « à des règles universelles» (sic) ;
  • précise la doctrine générale de protection collective et vient en complément des « Fiches conseils métiers» régulièrement publiées sur le site du Ministère du travail.

 

Ce Protocole national ne révolutionne pas le traitement opérationnel déjà largement réalisé par les entreprises des différents enjeux de protection de la santé de leurs salariés au regard de leur organisation de travail et de la configuration de leurs locaux.

 

Il rappelle et détaille les points clés qui doivent être traités dans le plan de reprise d’activité (ou protocole sanitaire) de chaque entreprise.

 

Le Chapitre 6 intitulé « Protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés » retiendra néanmoins l’attention dans la mesure où il prévoit :

  • L’élaboration de « matrices des contacts et leur qualification (« à risque » ou « à risque négligeable ») »
  • Pour faciliter l’identification des personnes contacts en cas de survenance d’un cas avéré de Covid-19 et permettre l’intervention des acteurs du « contact-tracing ».

 

Il conviendra donc pour chaque entreprise, avant le 11 mai prochain, de procéder à une vérification de concordance entre ce Protocole national et son plan de reprise d’activité.

 

Si des ajustements doivent avoir lieu, les représentants du personnel devront être consultés, dans les délais accélérés applicables depuis le 3 mai 2020.

 

Nous vous proposons une synthèse des 8 chapitres de ce Protocole dont le Sommaire est le suivant :

 

1./       Mesures barrières et de distanciation physique

2./       Recommandations en termes de « jauge par espace ouvert » (4 m2 par personne)

3./       Gestion des flux de personnes : la prévention des « goulots d’étranglement »

4./       Les équipements de protection individuelle (EPI)

5./       Les tests de dépistage

6./       Le protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés :

7./       La prise de température

8./       Le nettoyage et la désinfection

 

Les principales informations contenues dans ces chapitres sont les suivantes :

 

1./       Mesures barrières et de distanciation physique

 

Présentation du « Socle du déconfinement » comprenant 10 commandements, notamment :

  • Le rappel des principaux gestes barrières et mesures de distanciation (5 commandements gestuels),
  • Aération des pièces fermées toutes les 3 heures pendant 15 minutes
  • Désinfection régulière des objets manipulés et des surfaces
  • Éviter de porter des gants (vecteurs de transmission)
  • Rester chez soi en cas de symptômes évocateurs du Covid-19
  • Le contrôle systématique de température est exclu, mais une invitation à mesurer sa température en cas de sensation de fièvre est recommandée (voir point 7./)

 

2./       Recommandations en termes de « jauge par espace ouvert » : 4 m2 par personne

 

Base doctrinale retenue : l’Avis du HCSP du 24 avril 2020 qui fixe la « Jauge » (nombre de m2 / personne) pour permettre à des personnes simultanément présentes d’évoluer dans le respect des règles de distanciation.

 

La Jauge est fixée à 4 m2 minimum par personne.

 

S’il existe un risque non maîtrisable de rupture accidentelle de cette distanciation minimale : le port du masque « grand public » est à mettre en œuvre.

 

La surface de l’établissement à prendre en compte est « la surface résiduelle de l’espace considéré », c’est à dire la surface effectivement disponible, déduction faite des espaces occupés.

 

La jauge de 4 m2 peut être corrigée, notamment pour des configurations dynamiques comme un magasin où les flux de circulation sont difficiles à maîtriser.

 

Deux exemples de calcul des surfaces résiduelles sont fournis dans le protocole national (page 6).

 

3./       Gestion des flux de personnes : la prévention des « goulots d’étranglement »

 

3.1./     Principes généraux de gestion des flux :

 

Des plans de circulation doivent être mis en place pour garantir le respect de la distanciation physique minimale, sous forme incitative plus que contraignante (« fluidifier plutôt que ralentir »). Cette indication est rappelée à 2 reprises.

Chaque personne travaillant au sein de l’organisation doit être informée des nouvelles conditions de circulation

 

Le télétravail doit être mis en place chaque fois que possible : il faut limiter le nombre de salariés rejoignant simultanément l’entreprise.

 

Pour les Établissements recevant du public (ERP), la gestion des entrées est présentée comme un « écueil important », à savoir le risque de déport des zones d’attente sur le trottoir créant de nouveaux risques d’interactions et de concentrations.

 

Il convient d’informer le public en amont en publiant par exemple l’historique des périodes d’affluence ou permettre la prise de rdv.

 

3.2./    Gestion des flux déterminée par « les goulots d’étranglement » :

 

L’accessibilité du lieu de travail conditionne l’ensemble du processus de gestion des flux.

Il convient d’identifier l’ensemble des phases du processus d’entrée et de sortie dans l’entreprise pour prévenir les goulots d’étranglement, donc les risques de rupture de la distanciation physique :

  • Parking : quelles contraintes ?
  • Idem pour l’arrivée au poste de contrôle ou d’accueil et la nature des contrôles à effectuer,
  • Le passage éventuel aux vestiaires,
  • Comment rejoindre son poste de travail,
  • Une fois installé au poste de travail : quelles sont les contraintes identifiées ?

 

3.3./    Circonstances particulières de circulation dans les locaux :

 

  • Interventions (dépannages): entrée et sortie du tiers, gestion de son déplacement dans l’établissement et balisage de sa zone d’intervention. Si le dépannage mobilise une équipe, circulation en file indienne.

 

  • Réception dans les services (RH, Informatique) : pour la réception de collaborateurs pour examen de leur situation ou récupération de matériel : la prise de rdv sera priorisée.

 

  • Locaux communs: les horaires de pause seront échelonnés pour éviter les affluences. L’accès aux distributeurs de boissons sera canalisé par un marquage au sol, avec un sens d’arrivée et de départ différents

 

3.4./    Bonnes pratiques à promouvoir :

 

Une liste de « bonnes pratiques » est fournie.

 

Les principales sont :

  • Éviter les tourniquets à l’entrée des sites : si possible différencier les portes d’entrées et de sorties pour éviter le croisement de personnes
  • Marquage au sol avant l’entrée sur le site pour favoriser distanciation physique
  • Sens unique de circulation dans les ateliers, couloirs, escaliers
  • Réorganisation des horaires pour éviter les arrivées nombreuses
  • Plan de circulation dans l’entreprise
  • Limitation du nombre de personnes dans les ascenseurs
  • Une personne par bureau
  • Pour les bureaux partagés : éviter le face à face – utilisation de plexiglas – aération régulière (3 fois par jour pendant 15 minutes)
  • Pour les bureaux « open flex » : attribuer un poste fixe durant la pandémie
  • Maintenir les portes ouvertes pour éviter les contacts sur les poignées
  • Accompagnement des intervenants extérieurs pour s’assurer du respect des consignes

 

4./       Les équipements de protection individuelle (EPI)

 

4.1./    L’utilisation de Masques : son port généralisé peut être décidé par l’employeur, mais ce n’est pas une obligation

 

Le masque « grand public » est un complément des gestes barrières, même s’il ne peut se substituer au respect des règles de distanciation physique.

 

Le masque devient obligatoire si, malgré la mise en place de l’ensemble des mesures barrières, le respect de la distanciation physique d’1 mètre entre 2 personnes ne peut être garanti.

 

Hors professionnel de santé, l’employeur peut fournir des masques FFP1 ou des masques dits « grand public » (masques alternatifs à usage non sanitaire).

 

L’employeur peut aussi décider de généraliser le port collectif du masque « grand public » au sein de l’entreprise.

 

Lorsque les gestes barrières peuvent être respectés, le port généralisé du masque est une possibilité, et non une obligation.

 

Le port du masque nécessite une information spécifique sur sa bonne utilisation.

 

4.2./    Les gants et autres EPI (lunettes, surblouses, charlottes…) :

 

Les autres EPI obéissent aux mêmes règles d’utilisation que les masques : ils doivent être utilisés en cas d’impossibilité de mettre en œuvre de façon permanente les gestes barrières ou lorsque l’activité le nécessite.

Pour l’utilisation des gants, il est rappelé les mesures de sécurité impliquant notamment de ne pas porter les mains gantées au visage.

 

 

5./       Les tests de dépistage : les campagnes de dépistage ne sont pas autorisées. L’employeur doit inviter les salariés symptomatiques à consulter un Médecin pour se faire prescrire un dépistage.

 

Le Protocole national de déconfinement rappelle que les entreprises ont un rôle à jouer dans la stratégie nationale de dépistage qui repose sur un objectif de dépistage virologique pour permettre d’éviter la mise en contact avec :

  • Toutes les personnes présentant des symptômes du Covid-19
  • Toutes les personnes qui ont été en contact rapproché avec une personne infectée.

 

Ce rôle actif consiste à :

 

  • Dès maintenant: à relayer les messages des autorités sanitaires en invitant toute personne présentant des symptômes à ne pas se rendre sur son lieu de travail et à consulter un médecin dans délai, se faire dépister sur prescription de ce dernier et s’isoler. Il en est de même pour les personnes ayant été en contact rapproché (moins d’1 mètre pendant 15 minutes).

 

  • Après le 11 mai: à inciter les salariés symptomatiques à ne pas se rendre sur leur lieu de travail ou à le quitter immédiatement si les symptômes se révèlent sur le lieu de travail et à consulter un médecin pour obtenir la prescription de dépistage.

 

  • En évaluant précisément les risques de contamination encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités et en mettant en place en conséquence des mesures de protection qui limiteront le nombre de personnes ayant été en contact rapproché avec un patient Covid-19.

 

  • En collaborant avec les autorités sanitaires, si elles venaient à être contactée dans le cadre du « contact tracing»

 

En revanche, les campagnes de dépistage organisées par les entreprises pour leurs salariés ne sont pas autorisées.

 

Seuls les test virologiques RT-PCR (prélèvements naso-pharyngés) sont fiables pour confirmer le diagnostic du Covid-19.

 

Ces prélèvements étant douloureux et complexes d’un point de vue logistique (équipement de protection et parcours des données patient), ils doivent être réalisés par des professionnels formés.

 

A ce stade, « aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage ».

 

En effet, à date, aucun test sérologique n’est autorisé : il n’est pas possible d’autoriser et encadrer un tel dépistage par les entreprises.

 

 

6./       Le protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés : organiser l’isolement de la personne symptomatique et la mobilisation du Médecin du travail ou du Médecin traitant ou, en cas de signes de gravité, du SAMU

 

L’employeur doit établir, le cas échéant avec la Médecine du travail, une procédure interne de prise en charge sans délai des personnes symptomatiques (fièvre et/ou toux, difficulté respiratoire, difficulté à parler ou à avaler, perte du goût ou de l’odorat) afin :

  • De les isoler rapidement dans une pièce dédiée
  • De les inviter à rentrer chez eux et contacter leur médecin traitant

 

L’employeur doit aussi élaborer des matrices des contacts (avec qualification « à risque » ou « à risque négligeable) avec un cas avéré de Covid-19.

 

La prise en charge repose sur les principes suivants :

  • Isoler la personne symptomatique dans une pièce dédié en appliquant les gestes barrières ;
  • Mobiliser le professionnel de santé (sauveteur/secouristes formé au risque Covid ou le référent Covid) en lui fournissant un masque avant son intervention ;
  • Contacter le médecin du travail en l’absence de signe de gravité ou demander à la personne de contacter son médecin traitant pour avis médical ;
  • Contacter le SAMU en cas de signe de gravité (détresse respiratoire) ;
  • Après la prise en charge de la personne, prendre contact avec le SST et suivre ses consignes, notamment sur le nettoyage du poste de travail et le suivi des salariés ;
  • Si le cas Covid est confirmé, l’identification et la prise en charge des contacts seront organisés par les acteurs du « contact-tracing » (médecin prenant en charge le cas et plateformes de l’Assurance Maladie) : les contacts évalués « à risque » seront pris en charge et placés en quatorzaine.

 

 

7./       La prise de température : pas recommandée, mais l’employeur peut organiser un contrôle de la température des personnes entrant sur son site

 

Un contrôle de température à l’entrée des établissements est déconseillé mais le Ministère de la Santé recommande à toute personne de mesurer elle-même sa température en cas de sensation de fièvre et plus généralement d’auto-surveiller l’apparition de symptômes évocateurs de COVID-19.

 

Le HCSP a rappelé dans son avis du 28 avril 2020 que l’infection à SARS-CoV-2 peut être asymptomatique et que la fièvre n’est pas toujours présente chez les malades.

 

Toutefois, les entreprises, dans le cadre d’un ensemble de mesures de précaution, peuvent organiser un contrôle de la température des personnes entrant sur leur site.

 

Dans le contexte actuel, ces mesures peuvent faire l’objet de la procédure relative à l’élaboration des notes de service valant adjonction au règlement intérieur prévue à l’article L.1321-5 du Code du travail qui autorise une application immédiate des obligations relatives à la santé et à la sécurité́ avec communication simultanée au Secrétaire du CSE, ainsi qu’à l’Inspection du travail.

 

Elles doivent alors respecter les dispositions du code du travail et offrir toutes les garanties requises aux salariés concernés tant en matière d’information préalable, d’absence de conservation des données que des conséquences à tirer pour l’accès au site.

 

En outre, des garanties doivent être données, notamment :

  • la prise de mesure dans des conditions préservant la dignité́ ;
  • une information préalable sur ce dispositif (note de service, affichage, diffusion internet) en particulier sur la norme de température admise, l’objectif de la mesure et sur l’absence de suites au dépassement de cette norme.

 

En l’état des prescriptions sanitaires des autorités publiques, le contrôle de température n’est pas recommandé et a fortiori n’a pas un caractère obligatoire et le salarié est en droit de le refuser.

 

Si l’employeur, devant ce refus, ne laisse pas le salarié accéder à son poste, il peut être tenu de lui verser le salaire correspondant à la journée de travail perdue.

 

 

8./       Le nettoyage et la désinfection

 

Les fréquences de nettoyage sont les suivantes :

 

  • Nettoyage fréquent (plusieurs fois par jour) des surfaces et objets qui sont fréquemment touchés (poignées de porte, boutons ascenseur, interrupteurs, rampes, écrans tactiles, combinés de téléphone, comptoir d’accueil, espaces de convivialité, sanitaires…)

 

  • Nettoyage journalier des sols

 

8.1./     Réouverture après confinement :

 

Si les lieux n’ont pas été fréquentés dans les 5 derniers jours, le protocole habituel de nettoyage suffit.

 

Si les lieux ont été fréquentés dans les 5 derniers jours, même partiellement, par précaution, un nettoyage habituel avec un produit actif sur le virus doit avoir lieu.

 

8.2./    Nettoyage quotidien après réouverture :

 

  • Pour les sols: utilisation d’un produit contenant un tensioactif (solubilisant les lipides)

Lorsque l’évaluation des risques le justifie, une opération de désinfection peut être effectuée en plus du nettoyage.

Une désinfection visant le SRAS-CoV-2 est réalisée avec un produit répondant à la norme virucide (NF EN 14476), conformément au document ED 6347 de l’INRS.

 

  • Procéder plusieurs fois par jour au nettoyage-désinfection des surfaces et des objets régulièrement touchés à l’aide de lingettes ou bandeaux nettoyant contenant un tensioactif :
    • En portant une attention particulière aux surfaces en plastique et en acier ;
    • Notamment des sanitaires, équipements de travail collectifs, rampes d’escaliers, poignées de portes, etc…