L’arrêt de la 2ème Chambre civile du 4 février 2021 (N°19-23.615) devrait être encadré dans nos cabinets jusqu’à ce que les deux articles 562 et 954 alinéa 3 du Code de procédure civile deviennent, au moment de conclure devant la Cour, de vrais réflexes pavloviens pour éviter les nouveaux pièges que la Cour de cassation tend aux misérables bestioles concluantes que nous sommes !
Comme le rappelle mon Confrère Romain LAFFLY dans sa chronique sur Dalloz Actualité, déjà dans un commentaire datant de 2014 (JurisClasseur Procédures, n° 10, Octobre 2014, Com. 260 sous l’arrêt de la 3ème Chambre civile du 2 juillet 2014, N°13-13.738), le Pr. Hervé CROZE proposait « de conclure à l’envers et de commencer les conclusions d’appelant par le dispositif » pour souligner l’importance de celui-ci dans des conclusions en cause d’appel.
Cette ingénieuse recommandation garde plus que jamais sa pertinence.
A lire l’arrêt du 4 février 2021 on ne peut s’empêcher de penser que le dispositif des conclusions de l’appelant est véritablement devenu le « rocher propre à faire trébucher » (1.P.2.8).
Finalement peu importe les faits précis, quelques mots permettront de comprendre la situation.
Demander à la Cour d’appel l’infirmation du jugement ne suffisait pas dans le cas d’espèce.
Le rédacteur des conclusions d’appelant avait sans doute dû écrire :
« Infirmer le jugement du Jex
Statuant à nouveau,
Annuler la saisie pratiquée »
Que manque-t-il ?
L’article 562 du CPC énonce que « l’appel ne défère à la Cour que la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ».
Mais ce texte doit être « combiné » avec l’article 954 alinéa 3 du même Code qui dispose que : « la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif … »
Ce qui conduira la cour de cassation à retenir dans sa décision :
5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954 alinéa 3 du code de procédure civile (…) que la partie qui entend voir infirmer le chef d’un jugement l’ayant débouté d’une contestation de la validité d’un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel.
Or, au point suivant de son arrêt, la 2ème chambre civile constate que :
6. Il ressort des énonciations de l’arrêt, se référant aux dernières conclusions d’appel déposées pour M. et Mme A… que, dans le dispositif de leurs conclusions d’appel, ces derniers se bornaient à solliciter l’infirmation du jugement frappé d’appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejeté par ce jugement.
Par ce motif de « pur droit » substitué aux motifs de l’arrêt d’appel, après avoir mis les parties à même de s’expliquer (Article 1015 du CPC), la Cour de cassation rejette le pourvoi, car rien n’avait été demandé à la Cour d’appel concernant la validité de la signification du jugement ayant servi à effectuer la saisie.
De ce fait que pouvait-on reprocher à la Cour d’appel qui avait confirmé le jugement du JEX, alors même que l’appelant n’avait pas demandé la nullité de la signification du jugement qui avait permis au créancier d’agir.
Il aurait fallu inclure expressément dans le dispositif des conclusions d’appelant la prétention suivante : « Juger nulle la signification du jugement ayant permis la saisie »
Ainsi il devait être écrit :
« Infirmer le jugement entrepris
Statuant à nouveau,
Juger nulle la signification du jugement du tribunal de commerce
Annuler la saisie pratiquée »
Le défaut de mention expresse de cette prétention devant la Cour d’Appel ne pouvait que conduire la Cour de cassation à rejeter le pourvoi.
Conclure, bien conclure est un exercice difficile, même très difficile.
A bon concluant salut !
Pour lire l’arrêt sur le site de la Cour de cassation : cliquez ici
Jérôme Wedrychowski a longtemps tenu un blog… Une catégorie particulière lui est donc réservée sur cette page Actualités, pour qu’il vous partage ses lectures (juridiques ou autres…) en ces temps agités et incertains.