Si la crise sanitaire actuelle a permis d’observer une réduction significative des crimes et délits contre les biens, la délinquance astucieuse, même confinée, continue de sévir. La vigilance est donc de mise et la sécurisation des process internes de passation de commandes et de règlements doit être renforcée.
Par Jérôme Wedrychowski et Ladislas Wedrychowski
L’Office Central pour la Répression de la Grande Délinquance Financière (OCRGDF) a ainsi rapidement communiqué sur le développement très important des arnaques connues sous le nom « d’arnaque au Président » ou « anarque au COVID-19 », notamment en lien avec la fourniture de masques et gels.
Des groupes organisés se font passer pour des fournisseurs habituels de masques, de gels hydroalcooliques ou de tests sérologiques dans le but d’obtenir la passation de commandes et/ou leurs règlements par virement bancaire.
Les cibles concernent principalement les pharmacies, les EHPAD, les établissements de soins et désormais les entreprises à la recherche des équipements nécessaires pour préparer le déconfinement et la reprise de l’activité.
Le scenario utilisé consiste à exposer que leur société dispose encore de stocks de masques ou de tests, mais que ceux-ci s’écoulent très rapidement compte tenu de la demande actuelle. Seul le versement d’un acompte substantiel permet de procéder à une réservation et il est souvent fourni de nouvelles coordonnées bancaires à enregistrer.
Les autres formes d’arnaques résident dans la présentation de fausses commandes à régler ou dans la demande de modifications de coordonnées de virement bancaire, en usurpant l’identité d’un fournisseur pour obtenir le règlement de factures ou d’un employé pour récupérer son salaire.
Sous la pression résultant de la situation sanitaire actuelle et des enjeux de la reprise, la vigilance est moins soutenue et une forme d’empressement est souvent constatée.
Il est recommandé :
- De recourir aux fournisseurs habituels et de bien vérifier l’orthographe des noms de domaine et adresses e-mails entrants, certains escrocs n’hésitant pas à détourner les noms habituels avec une simple variation de lettre.
- D’exiger les références de la Société, au moins un numéro RCS, et de vérifier la fiabilité de l’entreprise qui se présente si elle n’est pas référencée en interne (consultation Infogreffe – recherches réputationnelles sur internet).
- De circulariser l’information en interne, notamment auprès de sa hiérarchie, si une prise de contact intervient « en direct » et même si la commande sollicitée est présentée comme « confidentielle et stratégique » par l’interlocuteur.
- L’escroc peut se faire passer pour le dirigeant de l’entreprise ou un responsable, avec une adresse email détournée : une vigilance particulière doit être attachée à l’utilisation des e-mails : utiliser la fonction « répondre à » ne permet pas de détecter immédiatement une adresse frauduleuse.
Mise à jour du 6 mai 2020 : Une alerte très récente du Conseil National des Barreaux à l’attention de tous les avocats permet d’illustrer le détournement d’un nom de domaine dans le libellé d’une adresse e-mail (info-cnb.com au lieu de cnb.avocat.fr) :
Il est aussi conseillé de recontacter directement tout interlocuteur interne, quand bien même une prétendue « obligation de discrétion » ou de « secret » serait mise en avant.
- De procéder à des vérifications, en contactant directement le fournisseur ou la personne concernée, avant toute prise en compte de commande suspecte, de demande de changement de RIB ou de demande de virement « exceptionnel ».
- De ne fournir aucune informations personnelles ou bancaires avant d’avoir procédé à toutes les vérifications préalables et avoir informé sa hiérarchie en interne.
- De ne pas utiliser les formulaires proposés par certains sites qui proposent aussi des attestations de déplacement dérogatoires : les formulaires proposés sont destinés à recueillir de manière frauduleuse des informations personnelles.
Les arnaques au COVID-19 auraient déjà généré plusieurs millions d’euros de préjudice, les autorités rappelant que les demandes de versement d’acomptes s’élèvent pour la plupart à 10-15.000 €, ce qui peut correspondre à des montants n’imposant pas nécessairement plusieurs validations internes.
La vigilance particulière s’impose donc absolument pour ne pas ajouter aux préjudices économiques subis du fait de la crise actuelle, un autre préjudice financier (qu’il sera difficile de faire indemniser, les escrocs opérant presque toujours depuis l’étranger).
Une communication en interne dans l’entreprise, avec le rappel des principaux points de vigilance, s’impose à ce sujet dans la période actuelle et pour les prochains mois.
Ce type d’arnaques correspond au délit pénal d’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Si vous êtes victime d’une telle infraction, un dépôt de plainte en ligne s’impose immédiatement.
Ce dépôt de plainte devra être ensuite complété dans une plainte pénale circonstanciée adressée au Procureur de la République, avec toutes les pièces justificatives des circonstances de commission de l’infraction et celles ayant trait au préjudice.