Si l’auteur d’une infraction doit, en principe, réparer le préjudice causé à la victime, il doit être tenu compte de la circonstance selon laquelle a victime a elle-même commis une faute en ne prenant pas les précautions utiles pour éviter ce préjudice.
Son indemnisation doit alors être réduite, à proportion entre sa faute et celle du coupable.
La Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 20 octobre 2020 que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production d’un dommage, il appartient aux juges du fond de déterminer dans quelle proportion la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée.

 

Par Ladislas Wedrychowski

 

 

Les faits et la procédure :

 

Dans cette espèce, l’auteur du vol était une femme chargée de l’approvisionnement d’un distributeur de billets de banque d’un centre commercial.

 

Cette personne a été reconnue coupable du vol de la somme de 120.720 € commis pendant 8 ans.

 

Son employeur s’était constitué partie civile et avait obtenu une réparation intégrale de son préjudice sans limitation du droit à indemnisation.

 

La prévenue a été condamnée à payer à la victime la somme de 125.000 € à titre de dommages intérêts au titre du préjudice tant matériel que moral.

 

La prévenue a contesté les dispositions civiles du jugement.

 

 

Le pourvoi formé :

 

La prévenue contestait la motivation de la Cour d’Appel qui avait décidé que dans les rapports entre voleur et victime, la circonstance selon laquelle le propriétaire d’un bien n’avait pas pris toutes les mesures utiles pour éviter d’être dépossédé ne s’analysait pas en une faute de nature à limiter son droit à indemnisation.

 

Il était soutenu que le centre commercial n’avait pris aucune mesure de sécurité pour empêcher le vol dans ce distributeur de billets.

 

La prévenue réclamait donc l’application du principe selon lequel toute faute de la victime ayant concouru à la production de son propre dommage, notamment une négligence, conduit à laisser à sa charge la part des dommages-intérêts correspondant au préjudice qu’elle s’est elle-même causé, entre autres quand ce préjudice découle d’un vol.

 

 

La position de la Cour de cassation :

 

La Chambre criminelle donne raison à la prévenue et censure la Cour d’appel au visa des articles 2 du code de procédure pénale et de l’article 1240 du code civil.

 

La Cour de cassation rappelle à juste titre que le fait pour une victime de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage était de nature à constituer une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice.

 

L’indemnisation de la victime doit donc être réduit en proportion de la faute commise dans la réalisation du dommage.

 

C’est une nouvelle application du principe posé par la Chambre criminelle dans son arrêt du 19 mars 2014 rendu sur le volet de l’indemnisation de la banque victime dans l’affaire KERVIEL, confirmé dans une autre décision datant aussi de 2014.

 

Ainsi, la Cour de cassation invalide la solution retenue par la Cour d’appel dans les termes suivants :

 


 

7.  Il résulte de ces textes que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l’appréciation appartient souverainement aux juges du fond. Est de nature à constituer une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage.

 

8.  Pour déclarer la prévenue entièrement responsable du préjudice subi et la condamner au paiement de dommages-intérêts correspondant à l’intégralité du préjudice matériel, l’arrêt attaqué énonce que, dans les rapports entre voleur et victime, la circonstance selon laquelle le propriétaire d’un bien n’aurait pas pris toutes les mesures utiles pour éviter d’être dépossédé ne s’analyse pas en une faute de nature à limiter son droit à indemnisation.

 

9.  En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

 


 

 

Pour lire l’arrêt publié sur le site de la Cour de cassation : cliquez ici.