Le Ministère du Travail a mis en ligne le 10 mai 2020 un « Questions / Réponses » intitulé Télétravail & Déconfinement, qui rappelle les principales règles applicables à cette forme de travail à distance par l’utilisation des outils numériques.
Au moment où l’activité reprend progressivement, alors que la crise sanitaire se poursuit, le télétravail doit être systématiquement privilégié par l’employeur.
Une revue de cette table de la loi du télétravail s’avère donc utile.

 

Par Jérôme Wedrychowski

 

 

1°/       Le télétravail pourra (et devra même) être imposé au salarié

 

Le risque épidémique est une circonstance exceptionnelle pendant laquelle l’employeur peut recourir au télétravail sans l’accord du salarié (L.1222-11).

 

Depuis le 17 mars 2020 « et jusqu’à nouvel ordre » (sic), le télétravail doit ainsi être systématiquement et absolument privilégié, et ce quel que soit le classement en zone rouge ou verte du département où se situe le lieu habituel de travail.

 

Le télétravail s’impose donc, tant à l’employeur qu’au salarié, si la présence physique du salarié à son poste n’est pas indispensable à la réalisation du travail ou la poursuite de l’activité.

 

2°/       L’employeur pourra cependant refuser le télétravail… à condition de démontrer que la présence du salarié sur site est indispensable à l’activité

 

Si l’employeur considère que les conditions de reprise d’activité sont conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail et permettent de garantir la protection de la santé du salarié, il peut refuser au salarié la poursuite du télétravail.

 

L’employeur devra cependant toujours motiver son refus de recourir au télétravail en démontrant que la présence du salarié à son poste de travail est absolument nécessaire au fonctionnement de l’activité et de l’entreprise.

 

Un autre cas possible de refus existe si aucune solution technique ne permet au salarié d’exercer son activité en télétravail : l’activité pourra alors reprendre sur le lieu de travail, sous réserves que l’employeur se conforme strictement aux consignes sanitaires du protocole national de déconfinement.

 

3°/       Aucun formalisme particulier ne s’imposera pour télétravailler

 

Le recours au télétravail, dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, ne requiert pas d’avenant au contrat de travail.

 

En temps normal et en l’absence d’accord collectif sur le télétravail ou de charte élaborée unilatéralement par l’employeur (après consultation du CSE s’il existe), l’article L.1222-9 du Code du travail prévoit que l’accord entre l’employeur et le salarié peut être formalisé par tout moyen (un échange d’emails suffit).

 

4°/       Le salarié ne pourra pas choisir les jours télétravaillés

 

Après un échange avec le salarié pour envisager l’organisation du travail, c’est l’employeur seul qui détermine la quotité de travail pouvant être réalisée en télétravail et, par conséquent, la répartition entre les jours de télétravail et les jours de travail « en présentiel » sur le lieu de travail.

 

Si l’employeur souhaite mettre en place un roulement, il peut prendre en compte les situations propres à chaque salarié pour organiser l’activité en tout ou partie en télétravail, notamment les difficultés d’accès aux transports en commun.

 

5°/       L’employeur pourra alterner télétravail et activité partielle, les dispositifs étant exclusifs l’un de l’autre

 

Comme l’employeur détermine la quotité de travail pouvant être exercée en télétravail, il peut définir l’alternance entre le télétravail et l’activité partielle.

 

Pendant les heures chômées au titre de l’activité partielle, aucun télétravail ne peut être réalisé.

 

Si l’employeur l’impose au salarié, il s’expose à des sanctions civiles (remboursement des allocations d’activité partielle) et pénales (article 441-6 du Code pénal).

 

6°/       L’employeur devra distinguer jours de congés et jour de télétravail

 

Si l’employeur peut imposer la prise de jours de congés ou de RTT, notamment en application de l’ordonnance n°323 du 25 mars 2020, il ne peut pas faire télétravailler le salarié pendant ses jours de congés.

 

Le télétravail doit être pratiqué uniquement pendant les jours et horaires de travail du salarié.

 

7°/       La durée habituelle de travail du salarié devra être respectée, ainsi que ses temps de repos : le droit à la déconnexion s’applique, même en temps de crise sanitaire

 

S’agissant du temps de travail et de repos, les règles de droit commun s’appliquent au télétravailleur.

 

A ce titre, l’employeur devra décompter la durée de travail de son salarié si ce dernier ne travaille pas selon un horaire collectif de travail.

 

Même en cas d’horaire collectif, il est recommandé pour l’employeur d’établir un décompte du temps de travail pour faire face à d’éventuelles réclamations relatives à sa durée de travail.

 

Si l’employeur fixe les horaires de travail pendant lesquels le salarié doit être opérationnel et joignable, les droits au temps de pause et de déjeuner demeurent.

 

A ce titre, le télétravailleur conserve ses droits habituels en matière de restauration (tickets restaurant, primes de repas).

 

Le télétravailleur bénéficie en tout état de cause du droit à la déconnexion : il n’est donc pas tenu de répondre aux sollicitations professionnelles en dehors de ses heures habituelles de travail.

 

8°/       Le salarié pourra utiliser son ordinateur personnel… à défaut, l’employeur devra lui fournir le matériel nécessaire s’il lui impose le télétravail

 

Le salarié n’est jamais obligé d’utiliser son ordinateur personnel dans le cadre du télétravail, ni de prévoir un espace dédié au télétravail à son domicile.

 

Si le salarié refuse d’utiliser son propre matériel ou n’en dispose pas, l’employeur qui souhaite imposer le télétravail doit fournir au salarié un ordinateur.

 

Si l’employeur n’est pas en mesure de fournir au salarié un ordinateur ou un accès à ses données professionnelles, il doit envisager de faire reprendre son activité par le salarié sur le lieu de travail habituel, en lui garantissant les mesures de protection de sa santé, conformément aux recommandations du protocole national de déconfinement.

 

9°/       L’employeur ne sera pas tenu d’indemniser le salarié en prenant en charge ses frais

 

L’employeur n’est pas dans l’obligation de rembourser les frais exposés par le salarié au titre du télétravail (coût du matériel, de la connexion internet ou encore une indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles), sauf si un accord d’entreprise ou une charte prévoit une telle prise en charge.

 

10°/     Le salarié sera couvert en cas d’accident pendant le télétravail

 

Le salarié est couvert en cas d’accident du travail survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle.

 

L’article L.1222-9 in fine énonce que ce type d’accident est présumé être un accident du travail.

 

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Telles sont les règles applicables au télétravail pendant cette période de déconfinement rappelées dans le document « Questions Réponses » du Ministère du travail et regroupées par nos soins sous la forme d’un « Décalogue ».

 

A ces règles, peuvent s’ajouter trois recommandations utiles :

 

  • Si cela n’a pas déjà été fait, le CSE doit être informé et consulté sur la mise en télétravail généralisée qui a été opérée au sein de l’entreprise, notamment pour des salariés qui n’étaient pas considérés comme éligibles à une telle forme de travail : si le passage en télétravail est intervenu dans un contexte d’urgence sans consultation préalable, il est nécessaire de régulariser la situation auprès du CSE qui doit donner son avis sur toute modification importante de l’organisation du travail.

 

  • Le DUER devra être mis à jour pour y mentionner les risques liés à un recours massif au télétravail.

 

  • Une négociation pourra s’ouvrir pour adopter un accord collectif (s’il n’existe pas) ou l’adapter en tenant compte des enseignements tirés de la pratique généralisée du télétravail et les mesures de protections à mettre en place (suivi du temps de travail, droit à la déconnexion, prise en charge des frais…etc).