L’Administration a modifié, courant août 2023, son modèle de Procès-Verbal de carence pour les élections professionnelles concernant les entreprises de 11 à 20 salariés en imposant désormais de mentionner la date du 2nd tour des élections.
Le Ministère du travail confirme également cette nouvelle obligation dans son Questions/Réponses dédié récemment mis à jour : pour ces TPE, même en l’absence de candidatures déclarées dans les 30 jours de l’annonce de l’organisation d’élections, le processus électoral doit aller à son terme… c’est à dire jusqu’au 2nd tour.
Cette modification, réalisée subrepticement cet été, change la donne pour les petites entreprises : en l’absence de candidature déclarée, si elles sont dispensées de négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales, ces entreprises doivent cependant organiser les deux scrutins.

 

 

 

 

 

 

 

Par Sylvain Mercadiel

 

 

Le cadre législatif issue de la réforme de 2017

 

L’employeur doit organiser des élections d’un Comité Economique et Social (CSE) lorsque l’entreprise a atteint ou dépassé l’effectif de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs (Article L.2311-2).

 

La préparation des élections s’articule autour de :

 

  • L’information du personnel de l’organisation des élections à venir, pour permettre la déclaration d’éventuelles candidatures (Article L.2314-4) ;

 

  • L’invitation des organisations syndicales intéressées à négocier le protocole d’accord électoral (PAP) et à transmettre leurs listes de candidats au 1er tour qui leur est réservé (Article L.2314-5).

 

Au sujet de cette invitation à néogocier, pour les PME de 11 à 20 salariés, une dérogation est prévue par l’alinéa 5 de l’article précité :

 

« Par dérogation aux premier et deuxième alinéas, dans les entreprises dont l’effectif est compris entre onze et vingt salariés, l’employeur invite les organisations syndicales mentionnées aux mêmes alinéas à cette négociation à la condition qu’au moins un salarié se soit porté candidat aux élections dans un délai de trente jours à compter de l’information prévue à l’article L. 2314-4. »

 

Une controverse doctrinale est apparue sur la portée de cet alinéa :

 

  • Ces dispositions dispensaient-t-elles l’employeur d’organiser les élections à défaut de candidature dans les 30 jours ?

 

  • Ou était-il seulement exonéré de négocier le PAP avec les syndicats, l’organisation des élections restant obligatoire ?

 

 

La position initiale de l’Administration

 

Dans son « Questions Réponses » publié début 2020, le ministère du Travail avait déduit de ces dispositions l’interprétation suivante :

 

Si aucun salarié ne s’était déclaré candidat dans le délai de 30 jours à compter de l’information donnée de l’organisation prochaine d’élections, le processus électoral pouvait être stoppé et l’employeur pouvait remplir un procès-verbal de carence.

 

Question 44 – Q&R mis en ligne de janvier 2020 à juillet 2023

 

Le modèle officiel de procès-verbal de carence (Cerfa n°15248*4) confirmait cette position en indiquant explicitement qu’aucune élection n’avait à être organisée en l’absence de candidat déclaré dans les 30 jours :

 

 

 

La nouvelle position de l’Administration depuis août 2023

 

Le ministère du Travail, comme un devoir de vacances discret, a choisi de modifier son analyse des dispositions de l’alinéa 5 précité au cœur de l’été 2023.

 

En deux temps :

 

  • D’abord en corrigeant son modèle de procès-verbal de carence (Cerfa n°15248*05), la mise à jour datant du 8 août 2023 :

 

Le Cerfa fait désormais mention de l’organisation d’un 1er tour, puis d’un 2nd tour et nécessite de mentionner les dates pour chacun de ces scrutins.

 

Le constat de l’absence de candidature s’opère ainsi au jour du 2ème tour et l’on a déduit de ces mentions que l’employeur était désormais de conduire le processus électoral jusqu’à son terme.

 

 

Pour télécharger le dernier modèle de Cerfa 15248*05 : cliquez ici

 

  • Ensuite en corrigeant son Questions / Réponses, la mise à jour datant du 29 septembre 2023 :

 

A la question « si aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections, l’employeur doit-il poursuivre le processus électoral ? »

 

La Réponse de l’Administration est désormais la suivante :

 

 

« Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, lorsqu’aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections dans les 30 jours suivant la diffusion de l’information par l’employeur au personnel de l’organisation prochaine des élections, ce dernier est dispensé d’inviter les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral (L.2314- 5, al. 5). Le processus électoral se poursuit et si aucune personne ne s’est portée candidate ni au premier tour ni au second tour, un procès-verbal établit la carence de candidatures aux élections professionnelles ».

 

En l’absence de candidature déclarée dans les 30 jours de l’annonce de l’organisation des élections, la position de l’administration revient à :

 

  • Dispenser l’employeur de négocier le PAP avec les syndicats,

 

  • Lui permettre d’organiser unilatéralement les modalités du vote,

 

  • Lui imposer d’organiser le 1er tour (réservé aux syndicats et donc nécessairement sans candidat),

 

  • Lui imposer d’organiser un 2nd tour, dans les 15 jours du 1er tour, en informant les salariés de la tenue de ce second tour, afin de constater à l’issue de ce 2nd tour la persistance de l’absence de candidature.

 

La doctrine considère dans son ensemble que la position de l’administration est plus conforme au texte concerné.

 

Pour autant, s’agissant de TPE, l’organisation de 2 tours d’élections alors même qu’aucune candidature n’a été déclarée, ne présente pas la simplicité requise pour ce type de petites entreprises.

 

 

Pour consulter le « Questions / Réponses » du Ministère du travail sur les élections professionnelles (à jour au 29/09/2023) : cliquez ici