Une juridiction saisie d’un litige a pour mission de le trancher.
Au visa de l’article 12 du Code de procédure de civile, la Chambre sociale donne une nouvelle illustration de ce principe dans un arrêt du 18 septembre 2024 (N°23-13.069).
Dans cette affaire, le salarié soutenait qu’il avait fait l’objet d’un licenciement verbal et injustifié. En réplique, l’employeur arguait que le salarié avait démissionné de son emploi.
Employeur et salarié se renvoyant l’initiative de la rupture du contrat de travail, le juge se devait de déterminer à qui cette rupture était imputable.
L’arrêt de la Cour d’appel qui avait débouté les deux parties de toutes leurs demandes est infirmé, la Chambre sociale rappelant qu’il incombait au Juge saisi de dire à qui cette rupture était imputable et d’en tirer les conséquences juridiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Philippe Suard

 

 

Les faits

 

A compter du 20 juillet 2019, un salarié occupant les fonctions de chef de cuisine a cessé de venir travailler.

 

Dès le 22 juillet suivant, son employeur lui a adressé un courrier recommandé lui demandant de justifier de son absence et de réintégrer son poste.

 

Le salarié a ensuite saisi le Conseil de prud’hommes au motif qu’il aurait fait l’objet d’un licenciement verbal et demandé une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

De son côté, l’employeur a soutenu qu’il y avait démission du salarié et, à titre subsidiaire, une prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié devant produire les effets d’une démission.

 

La Cour d’appel de Chambéry, saisie du litige, estimant qu’il ne résultait pas des pièces produites aux débats que :

 

  • le salarié ait manifesté une intention claire et non équivoque de démissionner,
  • ni que l’employeur ait entendu rompre le contrat de travail du salarié ou même ait considéré que le contrat de travail était rompu du fait du salarié,

 

a demandé aux parties de présenter leurs observations sur l’existence d’une rupture.

 

Les parties ayant maintenu leurs positions respectives, les juges d’appel ont considéré que ni le salarié avait manifesté une intention claire et non équivoque de démissionner et que ni l’employeur n’avait entendu rompre le contrat de travail du salarié ou même considéré que le contrat de travail était rompu du fait du salarié.

 

 

La position de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation censure la décision d’appel.

 

La Chambre sociale rappelle en premier lieu les termes de l’article 12 du Code de procédure civile qui définit l’office du juge :

 

« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

 Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

 

Au visa de ce texte fondamental, la Cour de cassation rappelle ainsi l’office du juge et le rôle qui lui appartient quand un litige lui est soumis.

 

Saisie de deux positions divergentes sur les faits et leurs conséquences juridiques, il appartenait à la juridiction de trancher entre les argumentations présentées, en donnant ou en restituant leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée :

 

  • Pour le salarié, l’employeur lui avait signifié verbalement son licenciement, ce qui le rendait nécessairement sans cause réelle et sérieuse, faute de motivation écrite (Cass. Soc. 28 mai 2008, N°07-41.735).
  • Pour l’employeur, le salarié avait en réalité démissionné, ce qui implique une volonté claire et non équivoque (Cass. Soc. 9 mai 2007, N°05-40.315).

 

Face à ces arguments, la Cour de cassation juge ensuite que la Cour d’appel ne pouvait pas rester passive, dans la mesure où les parties étaient d’accord pour admettre que le contrat avait été rompu.

 

Il appartenait donc à la Cour de trancher l’imputabilité de la rupture du contrat de travail et d’en tirer les conséquences juridiques.

 

 


 

Vu l’article 12 du code de procédure civile :

  1. Selon ce texte, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
  1. Pour débouter le salarié et l’employeur de l’ensemble de leurs demandes, l’arrêt retient qu’il ne résulte des pièces produites aux débats ni que le salarié ait manifesté une intention claire et non équivoque de démissionner, ni que l’employeur ait entendu rompre le contrat de travail du salarié ou même ait considéré que le contrat de travail était rompu du fait du salarié.
  1. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur et le salarié étaient d’accord pour admettre que le contrat de travail avait été rompu, chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, et qu’il lui incombait donc de dire à qui cette rupture était imputable et d’en tirer les conséquences juridiques, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

 


 

 

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