Si la période d’essai peut être rompue à tout moment sans en préciser le motif, pour autant, l’employeur ne doit pas la rompre pour un motif discriminatoire.
Dans un arrêt du 25 juin 2025 (N°23-17.999), la Cour de cassation précise que lorsqu’une rupture de période d’essai est déclarée nulle car fondée sur un motif discriminatoire, l’employeur peut être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts réparant le préjudice subi, mais non l’indemnité spécifique prévue en cas de licenciement nul.
Par Caroline Colet
Cadre juridique applicable à la période d’essai
La période d’essai peut être rompue librement par l’employeur ou par le salarié, sous réserve du respect du délai de prévenance (Art. L.1221-25 et L.1221-26 du Code du travail).
Aucun motif n’a à être indiqué pour justifier la rupture (Art. L.1231-1 ; Cass. soc., 20 oct. 2010, N°08-40822).
Toutefois, cette liberté n’est pas absolue : la rupture ne peut intervenir pour un motif discriminatoire (Art. L.1132-1). Une telle rupture est alors nulle (Art. L.1132-4 ; Cass. soc., 16 févr. 2005, N°02-43402).
Les faits et la décision de la Cour d’appel
Une salariée, engagée le 16 décembre 2013, est placée en arrêt maladie du 13 janvier au 17 août 2014.
Le 22 juillet 2014, l’employeur lui notifie la rupture de sa période d’essai, prenant effet le 18 août 2014.
Estimant que cette rupture repose sur son état de santé, la salariée saisit la justice.
La Cour d’appel lui donne raison : les éléments fournis par la salariée font présumer une discrimination et l’employeur ne parvient pas à démontrer que sa décision reposait sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination.
En conséquence, les juges prononcent la nullité de la rupture mais condamnent l’employeur à verser 5.000 € de dommages-intérêts, sans allouer à la salariée l’indemnité minimale de 6 mois de salaire prévue en cas de licenciement nul (Art. L.1235-3-1).
La position de la Cour de cassation
La salariée soutenait qu’une rupture discriminatoire devait être sanctionnée plus sévèrement qu’une simple rupture abusive, en vertu du droit interne et du droit européen (Dir. 2000/78/CE, article 17).
La Cour de cassation rejette cet argument et confirme l’arrêt d’appel.
La Chambre sociale rappelle que :
- Toute rupture motivée par l’état de santé est nulle.
- Toutefois, les règles applicables au licenciement (dont l’indemnité plancher de 6 mois) ne s’appliquent pas à la rupture d’une période d’essai (Art. L.1231-1).
- La directive européenne invoquée par la salariée ne s’applique pas à la discrimination fondée sur l’état de santé.
Dès lors, le salarié concerné a droit à la réparation intégrale de son préjudice par des dommages-intérêts, dont le montant est apprécié par les juges, mais non à l’indemnité forfaitaire pour licenciement nul.
6. Selon les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, toute rupture du contrat de travail prononcée à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nulle.
7. Selon l’article L. 1231-1 du même code, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d’essai.
8. Il résulte de ces textes que le salarié dont la rupture de la période d’essai est nulle pour motif discriminatoire ne peut prétendre à l’indemnité prévue en cas de licenciement nul mais à la réparation du préjudice résultant de la nullité de cette rupture.
9. L’article 1er de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 énonce que celle-ci a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement et n’est donc pas applicable en cas de discrimination en raison de l’état de santé.
10. La cour d’appel, qui a retenu que la salariée présentait des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, puis que l’employeur ne démontrait pas que sa décision de rompre la période d’essai était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, a exactement retenu que la salariée pouvait prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette rupture dont elle a souverainement fixé le montant.
11. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n’est donc pas fondé.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence.
Déjà, la Cour de cassation avait jugé que la nullité d’une rupture de période d’essai pour motif discriminatoire ouvrait droit à des dommages-intérêts, mais non au versement d’une indemnité de préavis (12 sept. 2018, N°16-26.333).
La rupture d’une période d’essai discriminatoire est bien nulle, mais sa sanction n’est pas assimilée à celle d’un licenciement nul.
Le salarié ne bénéficie pas de l’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire, seulement d’une indemnisation proportionnée à son préjudice, laissée à l’appréciation des juges.
Pour lire l’arrêt sur le site de la Cour de cassation : cliquer ici