L’activité partielle de longue durée (APLD) est un dispositif qui a pour vocation de soutenir les entreprises qui connaissent des difficultés durables, mais qui ne sont pas de nature à compromettre leur pérennité. Il permet aux entreprises confrontées à une réduction d’activité durable de diminuer l’horaire de travail en contrepartie d’engagements notamment en matière d’emploi et de formation professionnelle.
Le Ministère du travail vient d’apporter des précisions sur les modalités d’application de ce dispositif dans un « Questions-réponses » très complet publié sur son site (le 22 octobre 2020, mis à jour le 20 novembre 2020).
Nous vous proposons de passer en revue les principaux points énoncés dans ce Q&R sur ce dispositif qui présente de réels avantages pour les entreprises durablement impactées par la réduction d’activité en raison de cette crise sanitaire qui perdure.

 

Par Hugues Wedrychowski et Caroline Colet

 

 

1./       Présentation du dispositif

 

L’APLD a été instituée par l’article 53 de la loi 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire et précisée par le décret 2020-926 du 28 juillet 2020 modifié en dernier lieu par le décret 2020-1316 du 30 octobre 2020.

 

Le dispositif d’APLD est temporaire.

 

Il s’applique aux accords collectifs et aux documents transmis pour validation ou homologation au plus tard le 30 juin 2022.

 

L’accord pouvant être conclu pour une durée de 3 ans, le dispositif d’une durée de 24 mois trouvera potentiellement à s’appliquer jusqu’au 30 juin 2025.

 

En effet, le bénéfice de l’allocation est accordé dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs.

 

Le décompte est réalisé en mois civils : un mois durant lequel l’entreprise recourt à APLD compte pour un mois entier.

 

 

2./       Accord collectif et document unilatéral

 

Le dispositif est mis en œuvre par la voie de la négociation.

 

L’employeur peut :

 

  • soit conclure un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ;

 

  • soit, en application d’un accord de branche étendu, établir un document unilatéral conforme aux stipulations de cet accord de branche et définissant les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle.

 

L’employeur peut recourir au document unilatéral, sans être tenu d’engager préalablement des négociations sur l’APLD.

 

Ceci étant, par voie d’accord, l’employeur peut aussi déroger à certaines dispositions de l’accord de branche.

 

En l’absence d’accord de branche, seul un accord collectif permet de recourir au dispositif.

 

 

3./       Définition des activités et secteurs concernés – Exclusion de l’individualisation de l’APLD

 

Il n’est pas nécessaire de désigner nommément les salariés concernés par l’accord collectif ou le document unilatéral de l’employeur.

 

En revanche, les activités et secteurs concernés doivent être identifiés.

 

Un accord ou un document ne faisant référence qu’à un pourcentage de salariés serait contraire à la réglementation.

 

A l’instar de l’activité partielle de droit commun, la réduction d’activité peut être prévue au niveau de l’entreprise, tout ou partie de l’établissement, unité de production, atelier, services, etc.

 

En revanche, la loi du 17 juin 2020 exclut la possibilité de recourir de manière individualisée à l’APLD.

 

Pour rappel, l’individualisation de l’activité partielle est la possibilité de placer une partie seulement des salariés de l’entreprise, d’un établissement, d’un service ou d’un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, en position d’activité partielle, ou d’appliquer à ces salariés une répartition différente des heures travaillées et non travaillées.

 

Cette individualisation intervient par dérogation au caractère collectif du dispositif, et sous réserve d’un accord collectif majoritaire le prévoyant ou d’un avis conforme du CSE.

 

En revanche, il est possible, comme pour l’activité partielle de droit commun, de prévoir que les salariés soient placés en position d’APLD individuellement et alternativement, selon un système de « roulement », au sein d’une même unité de production, atelier, services, etc …

 

 

4./       Modalités de conclusion d’un accord APLD sans Délégué syndical dans l’entreprise

 

L’accord d’APLD est un accord de droit commun.

 

Dès lors, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, diverses modalités de négociation adaptées sont mises en place en tenant compte de la taille et de la structure des entreprises dénuées de Délégué syndicaux.

 

  • Dans les entreprises de moins de 11 salariés :

L’accord peut être mis en place après consultation directe des salariés approuvé à la majorité des deux tiers des salariés.

 

  • Dans les entreprises de 11 à 20 salariés en l’absence de CSE :

L’accord est mis en place soit par consultation directe des salariés approuvé à la majorité des deux tiers des salariés, soit il s’agit d’un accord signé par un ou plusieurs salariés mandatés puis approuvé par les salariés à la majorité simple.

 

  • Dans les entreprises entre 11 et 20 salariés dotées d’un CSE ou de 20 à moins de 50 salariés sans CSE :
    • soit l’accord est négocié et conclu avec un ou plusieurs élus titulaires au CSE, mandatés ou non. Pour que l’accord soit valable, les élus signataires doivent représenter la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du CSE lors des dernières élections professionnelles
    • soit l’accord est conclu avec un ou plusieurs salariés non élus mandatés puis approuvé par les salariés à la majorité simple.

 

  • Dans les entreprises d’au moins 50 salariés :
    • soit l’accord est signé avec des élus du CSE mandatés et approuvé par les salariés à la majorité simple,
    • soit à défaut d’élu mandaté, l’accord est signé avec des élus du CSE non mandatés représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles,
    • soit à défaut d’élus souhaitant négocier, l’accord est signé avec des salariés mandatés, approuvé par les salariés à la majorité simple.

 

 

5./       Le contenu de l’accord collectif APLD

 

L’accord collectif doit obligatoirement comporter un préambule présentant un diagnostic sur la situation économique et les perspectives d’activité de l’établissement, de l’entreprise, du groupe ou de la branche.

 

Ce diagnostic pourra retracer les difficultés au niveau de la branche, les pertes de chiffres d’affaires des entreprises du secteur, les difficultés de trésorerie, les baisses des commandes, les menaces pesant sur l’emploi, etc. Il pourra s’appuyer notamment sur les études économiques menées au sein de la branche dans le cadre d’un diagnostic partagé avec les partenaires sociaux.

 

Il est recommandé de prévoir des indicateurs objectivables dans le préambule de l’accord ou du document unilatéral (chiffre d‘affaires, rentabilité, etc.).

 

Outre le diagnostic, l’accord doit obligatoirement mentionner :

 

  1. La date de début et la durée d’application du dispositif ;
  2. Les activités et salariés auxquels s’applique le dispositif ;
  3. La réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale, qui ne peut pas être supérieure à 40% ;
  4. Les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ;
  5. Les modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et des institutions représentatives du personnel sur la mise en œuvre de l’accord. Cette information a lieu au moins tous les trois mois.

 

Il peut également prévoir, sans que cette liste soit limitative :

 

  1. Les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord, les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance, fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de recours au dispositif ;
  2. Les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en œuvre du dispositif ;
  3. Les moyens de suivi de l’accord par les organisations syndicales.

 

 

6./       Le contenu du document unilatéral APLD

 

Le document unilatéral précise les conditions de mise en œuvre, au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, des stipulations de l’accord de branche étendu.

 

Outre le diagnostic sur la situation économique de l’établissement ou de l’entreprise et les perspectives d’activité, il comporte les éléments suivants :

 

  1. La date de début et la durée d’application du dispositif ;
  2. Les activités et salariés auxquels s’applique le dispositif ;
  3. La réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale, laquelle ne peut pas être supérieure à 40% ;
  4. Les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle.

 

L’employeur doit consulter le CSE, lorsqu’il existe, avant la mise en place du document unilatéral, dans les entreprises d’au moins 11 salariés et préalablement au renouvellement de la demande d’homologation.

 

 

7./       Le périmètre de l’engagement de maintien de l’emploi

 

C’est à l’accord collectif de définir les engagements en matière d’emploi.

 

A défaut de précision dans l’accord, l’engagement porte sur l’intégralité des emplois du groupe, de l’entreprise, ou de l’établissement.

 

 

8./       Les engagements en termes de formation

 

Le document élaboré par l’employeur détermine ses engagements en matière de formation professionnelle.

 

Il est ainsi recommandé que les périodes chômées puissent être mises à profit pour conduire des actions de formation ou de validation des acquis de l’expérience, et pour maintenir et développer les compétences des salariés.

 

Il est possible de mobiliser notamment les OPCO, le FNE formation et le FSE pour le financement des coûts de formation engagés pour faire face aux difficultés économiques conjoncturelles, d’abonder le CPF, de renforcer le plan de développement des compétences.

 

 

9./       Information des salariés concernés par l’APLD

 

En l’absence de modalités d’information prévues par les textes, l’accord collectif ou le document unilatéral pris en application de l’accord de branche (si ce dernier le précise), peut prévoir des modalités particulières d’information des salariés et des représentants du personnel ainsi que des délais de prévenance de placement ou de fin de placement des salariés en APLD.

 

A titre d’exemple, l’employeur peut indiquer dans l’accord ou le document unique que les modifications de planning (temps travaillé et non travaillé) ne peuvent être imposées au salarié dans un délai inférieur à 48 heures.

 

Le délai de prévenance de placement des salariés en APLD doit s’entendre d’un délai raisonnable permettant de concilier les nécessités d’organisation de l’entreprise et les impératifs de la vie personnelle du salarié.

 

 

10./     Les limites de la réduction maximale de l’horaire de travail

 

10.1./  Le principe : la réduction de 40%

 

La réduction de l’horaire de travail ne peut pas être supérieure à 40 % de la durée légale.

 

Cette réduction s’apprécie par salarié concerné sur la durée d’application du dispositif prévue par l’accord collectif ou le document unilatéral.

 

Son application peut conduire à la suspension temporaire de l’activité.

 

En conséquence, il est possible pour l’employeur d’alterner :

 

  • des périodes de faible réduction d’activité,

et

  • des périodes de forte réduction, voire de suspension temporaire de l’activité, dans le respect du plafond de 40 % sur la durée d’application du dispositif (24 mois maximum).

 

Pour limiter l’impact de cette modulation du taux de réduction horaire de travail sur la rémunération mensuelle des salariés, un lissage du montant de l’indemnité d’APLD et de la rémunération versée au salarié est envisageable, comme dans le dispositif d’aménagement du temps de travail.

 

Exemple fourni par le Ministère du travail :

1er semestre 2021 2e semestre 2021 1er semestre 2022 2e semestre 2022 Total
Taux d’activité 0 60 % 80 % 100 % 60 % en moyenne
Taux d’inactivité 100 % d’heures APLD 40 % APLD 20 % APLD 0 % APLD 40 % en moyenne

 

En moyenne sur la durée de recours au dispositif, le temps maximum d’inactivité par semaine par salarié, que le salarié soit à temps plein ou à temps partiel, est égal à 14 heures (40 % de 35 heures).

 

Pour les salariés auxquels s’appliquent les articles 1 et 1 bis de l’ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020 modifiée (régimes d’équivalence, heures supplémentaires issues d’une convention de forfait ou d’une durée collective conventionnelle supérieure à la durée légale), le nombre d’heures chômées susceptible d’être indemnisé correspond à 40 % de la durée d’équivalence ou de la durée stipulée au contrat pour les conventions individuelles de forfait ou de la durée collective du travail conventionnellement prévue, et non la durée légale mensuelle de 151,67 heures.

 

 

10.2./  L’exception : la réduction de 50%

 

Par exception, la limite de 40 % peut être dépassée dans des cas résultant de la situation particulière de l’entreprise, sur décision de l’autorité administrative et dans les conditions prévues par l’accord collectif, sans que la réduction de l’horaire de travail puisse être supérieure à 50 % de la durée légale.

 

Pour apprécier l’opportunité de dépasser la limite de 40 %, il pourra être tenu compte des difficultés particulières de l’entreprise, pouvant être liées notamment à l’ampleur et à la durée prévisibles de la dégradation de ses perspectives d’activité, ou à l’impact d’éléments exogènes (fluctuation significative du coût des matières premières, liquidation judiciaire d’un client important entrainant une chute du carnet de commandes, etc.).

 

La possibilité de réduire l’activité jusqu’à 50 % doit être prévue par accord d’entreprise ou de branche. En outre, la réduction de l’activité jusqu’à 50 % doit être autorisée par décision de la DIRECCTE.

 

Si le volume d’heures maximum donnant lieu au versement des allocations APLD sur la durée de recours au dispositif prévue dans l’accord est atteint avant la fin de recours au dispositif, il ne sera plus possible de recourir à l’APLD, le volume d’heures maximum pouvant donner lieu à placement des salariés en APLD ayant été atteint.

 

Dans le cadre du suivi de l’accord, il est recommandé de tenir à jour un compteur permettant d’apprécier la réduction d’activité des salariés : cela est notamment nécessaire pour identifier les heures dites chômées ouvrant droit à une indemnité et les heures travaillées qui doivent être rémunérées normalement.

 

Par ailleurs, ce document pourra être demandé en cas de contrôle par l’administration lors de la vérification des conditions de placement en APLD des salariés.

 

 

11./     Les allocations et les indemnités APLD

 

Le salaire de référence retenu pour le calcul de l’allocation et de l’indemnité est celui qui précède le placement en APLD.

 

Le document rappelle également que le salarié placé en APLD reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés.

 

La rémunération maximale prise en compte pour le calcul de l’indemnité horaire est égale à 4,5 fois le taux horaire du Smic.

 

Le taux horaire de l’allocation versée à l’employeur est égal pour chaque salarié placé dans le dispositif d’activité partielle de longue durée à 60 % de la rémunération horaire brute telle que calculée à l’article R.5122-12 du Code du travail, limitée à 4,5 fois le taux horaire du Smic.

 

Ce taux horaire ne peut pas être inférieur à 7,23 euros.

 

Ce minimum n’est toutefois pas applicable pour les salariés en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation.

 

Les entreprises des secteurs dits « protégés » (culture, sport, tourisme, etc.) listés dans le décret 2020-810 du 29 juin 2020 bénéficient du taux majoré à 70 % à partir du 1er novembre 2020 et, en principe, jusqu’au 31 décembre 2021, y compris si elles sont déjà en APLD.

 

 

12./     Les formalités de dépôt et d’homologation / validation

 

L’accord collectif ou le document unilatéral de l’employeur est transmis à la DIRECCTE par voie dématérialisée.

 

La demande est effectuée sur l’adresse suivante : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.

 

Un pas à pas en annexe permet de détailler les différentes étapes.

 

La demande est accompagnée de l’accord ou du document de l’employeur.

 

La demande d’homologation du document unilatéral est accompagnée de l’avis rendu par le CSE, s’il existe.

 

L’accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe doit, dans tous les cas, également faire l’objet d’un dépôt sur la plateformeTéléAccords, indépendamment de la demande de validation ou d’homologation déposée auprès de la DIRECCTE dans l’application SI-APART.

 

L’autorité administrative dispose :

 

  • d’un délai de 15 jours pour valider l’accord collectif à compter de sa réception,

 

  • d’un délai de 21 jours pour homologuer le document unilatéral à compter de sa réception.

 

La décision d’homologation ou de validation est notifiée par voie dématérialisée à l’employeur. Elle est également notifiée, par tout moyen, au CSE, lorsqu’il existe, et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales signataires.

 

Le silence gardé par l’autorité administrative pendant ces délais vaut décision d’acceptation de validation ou d’homologation.

 

 

13./     Application des règles de l’activité partielle de droit commun à l’APLD

 

Les règles de l’activité partielle de droit commun, qu’elles soient codifiées ou transitoires, s’appliquent au dispositif d’APLD à l’exception des dispositions expressément exclues.

 

Ainsi, ne sont pas applicables, en application de la loi du 17 juin 2020 :

 

  • la majoration obligatoire du taux d’indemnité versée au salarié en cas de formation pendant les heures chômées ;
  • la possibilité de recourir à l’activité partielle de longue durée de manière individualisée instaurée à titre dérogatoire et temporaire jusqu’au 31 décembre 2020 par l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020. En revanche, il est possible, comme pour l’activité partielle de droit commun, de prévoir que les salariés soient placés en position d’APLD individuellement et alternativement, selon un système de « roulement », au sein d’une même unité de production, atelier, services, etc … ;
  • les stipulations conventionnelles relatives à l’activité partielle, conclues avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2020.

 

Ne sont pas non plus applicables, en application du décret du 28 juillet 2020 :

 

  • les modalités de recours à l’activité partielle de droit commun (motifs de recours et délais d’acceptation), l’APLD obéissant sur ces deux points à des règles spécifiques ;
  • le contingent d’heures indemnisables applicable à l’activité partielle ;
  • la durée d’autorisation et les engagements pris en matière d’activité partielle ;
  • les règles de remboursement des allocations d’activité partielle.