Un décret du 16 avril 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle a (enfin) précisé les modalités de calcul de l’indemnité d’activité partielle notamment pour les salariés dont la durée du travail est décomptée en jours ou en heures sur l’année.
Ces précisions étaient très attendues, près de 2 millions de salariés du privé (50% des Cadres) étant soumis à une convention de forfait.
Par Audrey Palmace
Depuis le Décret n°325 du 25 mars 2020 et la modification opérée à l’article R.5122-19 du Code du travail, les salariés en convention de forfait en jours ou en heures sur l’année pouvaient être placés en activité partielle, avec effet rétroactif au 1er mars 2020, en cas de réduction de l’horaire de travail pratiquée au sein de leur entreprise en lien avec les impacts de la crise sanitaire actuelle du Covid-19 (et non plus seulement en cas de fermeture totale de l’entreprise, comme le prévoyait l’ancien dispositif).
L’Ordonnance n° 346 du 27 mars 2020 avait ensuite précisé que la détermination du nombre d’heures prises en compte pour l’indemnité d’activité partielle serait déterminée par décret.
Le Décret n°435 du 16 avril 2020 parachève l’adaptation du dispositif de l’activité partielle aux salariés soumis à une convention de forfait et fournit désormais les modalités de calcul pour les demandes d’indemnisation adressées au titre du placement en activité partielle de ces salariés, depuis le 1er mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020.
1°/ Le décompte des heures non travaillées (ou chômées) :
Pour ces salariés, l’indemnité d’activité partielle est déterminée en tenant compte du nombre d’heures ou de jours ou encore de demi-journées ouvrés non travaillés par le salarié, au titre de la période concernée par l’activité partielle, convertis en heures selon les modalités suivantes :
- une demi-journée non travaillée correspond à 3H30 non travaillées ;
- un jour non travaillé correspond à 7H non travaillées ;
- une semaine non travaillée correspond à 35H non travaillées.
Précision : Il faut retrancher de ces heures non travaillées les jours de congés payés et de repos pris au cours de la période concernée, ainsi que les jours fériés non travaillés qui correspondent à des jours ouvrés, après avoir converti ces jours en heures selon les mêmes modalités.
Exemple :
Un salarié est placé en activité́ partielle à compter du 17 mars 2020.
Il travaille tous les matins de la semaine, soit 5 demi-journées pour une semaine complète.
Le nombre d’heures à indemniser pour le mois de mars sera donc de :
4 jours (à partir du 17 mars) x 3,5 heures = 14 heures chômées pour la semaine du 16 au 20 mars
5 jours x 3,5 heures = 17,5 heures chômées pour la semaine du 23 au 27 mars
2 jours x 3,5 = 7 heures chômées pour les 30 et 31 mars.
Soit 38,5 heures chômées.
2°/ La détermination du taux horaire de référence :
Après avoir décompté le nombre de jours ou demi-journées non travaillées, il faut ensuite déterminer le taux horaire de référence de l’indemnité d’activité partielle et de l’allocation d’activité partielle.
Le taux horaire de référence au titre de l’activité partielle est calculé à partir du salaire journalier de base.
La rémunération à prendre en compte est celle que le salarié aurait perçue dans le mois s’il n’avait pas été en activité partielle.
Ce taux horaire est déterminé en rapportant la valeur d’une journée entière de travail par 7.
En l’absence de disposition conventionnelle permettant la valorisation d’une journée de travail, la valeur d’une journée entière de travail correspond donc au montant du salaire mensuel auquel le salarié peut prétendre pour un mois de travail complet divisé par 22 (nombre de jours ouvrés mensuels moyen) pour un forfait annuel de 218 jours.
En cas de forfait prévoyant un nombre de jours inférieur à 218, le dénominateur correspond au nombre moyen mensuel de jours convenu par le contrat de travail.
À défaut d’indication, il convient de corriger le nombre moyen mensuel de jours ouvrés (à savoir 22) du rapport entre le nombre de jours prévu par le forfait divisé par 218. Le résultat est arrondi au nombre entier le plus proche.
Exemple 1 :
Un salarié perçoit 3.500 € bruts par mois (hors primes et éléments variables) pour un forfait de 218 jours annuels.
L’accord collectif instituant le forfait annuel en jours ne prévoit pas la valorisation d’une journée.
Valeur d’une journée = 3.500 € / 22 = 159,09 €
Taux horaire = 159, 09 € / 7 = 22,73 €
Exemple 2 :
Un salarié perçoit 2.000 € par mois (hors primes et éléments variables) pour un forfait réduit de 109 jours annuels.
L’accord collectif instituant le forfait annuel en jours ne prévoit pas la valorisation d’une journée.
Coefficient de réduction = 109 / 218 = 0,5
Nombre de jours ouvrés mensuels moyen = 22 X 0,5 = 11
Valeur d’une journée = 2.000 € / 11 = 181, 82 €
Taux horaire = 181,82 € / 7 = 25,97 €
3°/ La prise en compte des éléments variables de rémunération :
Si le salarié bénéficie d’une rémunération variable ou des primes, il faut également calculer le taux horaire correspondant aux éléments de rémunération variable en fonction du temps de présence.
Par ailleurs, l’article 7 de l’ordonnance n°460 du 22 avril 2020 intègre la prise en compte des heures supplémentaires dans les heures non travaillées indemnisables pour les salariés :
- ayant conclu avant le 24 avril 2020, une convention individuelle de forfait en heures (sur le mois, la semaine ou l’année) incluant des heures supplémentaires structurelles ;
OU
- soumis à des durées collectives de travail supérieures à 35 heures hebdomadaires prévues par des conventions ou accords collectifs de travail (accord de branche ou d’entreprise) conclu avant cette même date du 24 avril 2020 (par exemple, les salariés relevant de la convention collective Hôtels Cafés Restaurants)
Cette prise en compte déroge ainsi à l’une des règles fondamentales de l’activité partielle qui prévoit que les heures supplémentaires, en principe, ne sont pas indemnisables (Art. R.5122-11).
En conséquence, pour obtenir le taux horaire de référence de l’activité partielle, il convient d’ajouter la somme de ces composantes au taux horaire de base.
Exemple (Issue de la Fiche « calcul taux horaire brut de rémunération » – FAQ « Activité Partielle » du Ministère du Travail)
Un salarié est placé en activité à compter du 17 mars 2020.
Il dispose d’une convention de forfait mensuel en heures de 169 heures
Son salaire forfaitaire est de 3.467 € auxquels s’ajoutent 300 € de prime mensuelle (calculée en fonction du temps de travail).
Au mois de février, il a perçu en plus 128,18 € correspondant à 5 heures supplémentaires au-delà̀ de son forfait mensuel.
Il perçoit habituellement un bonus au mois de mai de chaque année de 1.000 € et une prime d’ancienneté́ de 1.000 € au mois de décembre (calculée en fonction du temps de travail sur l’année).
Étape 1 : Déterminer le nombre d’heures indemnisables
Le salarié a travaillé́ 77 heures sur le mois de mars.
Le nombre d’heures à indemniser sera de : (169H – 77H travaillées) = 92 heures (chômées)
Étape 2 : Déterminer le taux horaire
Taux horaire de base = salaire que le salarié aurait perçu dans le mois s’il n’avait pas été en activité́ partielle déduction faite des heures supplémentaires au-delà̀ du forfait / durée contractuelle : 3.466,65 € / 169 heures = 20,51 €
Taux horaire des primes calculées en fonction du temps de présence / durée contractuelle : 300 / 169 = 1,77 €
Taux horaire correspondant aux éléments de rémunération variable : moyenne mensuelle des éléments variable / durée contractuelle : (2.000 (1.000 + 1.000) / 12) /169 = 0,99 €
Taux global : 20,51 + 1,77 + 0,99 = 23,27 €
Étape 3 : Déterminer le montant de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié
Le montant de l’indemnité d’activité partielle = 70 % du taux horaire brut de référence au titre de l’activité partielle x nombre d’heures chômées.
Soit (70% x 23,27) x 92 heures (chômées) = 1.498,59 €
Pour rappel, l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur en remboursement de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié est plafonnée à 70 % de 4,5 SMIC horaire brut, soit un taux de 31,98 € bruts par heure chômée.
Pour cet exemple, l’employeur sera donc intégralement remboursé dans le cadre de sa demande d’indemnisation.
Il sera enfin précisé que ce décret du 16 avril 2020 traite aussi des modalités de calcul de l’indemnité d’activité partielle des catégories particulières suivantes :
- Journalistes pigistes
- VRP
- Salariés à domicile payés à la tâche
- Artistes de spectacles
- Mannequins
- Personnel navigant