Différents dispositifs spécifiques de soutien aux salariés devant interrompre leur activité du fait des mesures d’isolement ou de maintien à domicile ont été mis en place ou adaptés pour faire face à la crise sanitaire du COVID-19. Désormais, la loi de finances rectificative du 25 avril 2020 prévoit la bascule automatique des salariés en arrêts de travail dérogatoires en activité partielle.

Par Caroline Colet

 

1./          Les décrets n°2020-73 du 31 janvier 2020 et n°2020-227 du 9 mars 2020 ont instauré des indemnités journalières dérogatoires pour des arrêts de travail dits dérogatoires, afin de faire indemniser par la Sécurité sociale, sans délai de carence et sans condition d’ouverture de droits pour :

  • les parents devant garder leur enfant,

 

  • les personnes vulnérables placées dans l’impossibilité de télétravailler.

 

Pour les arrêts maladie « de droit commun » qui continuent d’être délivrés, l’article 8 de la loi d’urgence du 23 mars 2020 a supprimé tout délai de carence.

 

L’ensemble de ces indemnités donnent donc lieu au versement du complément employeur, sans délai de carence et sans conditions d’éligibilité, afin de compléter pendant les 30 premiers jours d’arrêt de travail la rémunération du salarié au moins jusqu’à 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler. Ce taux plancher passe à 66% de la rémunération brute pendant les 30 jours suivants.

 

2./          Le dispositif de l’activité partielle opère également une suspension du contrat de travail et garantit au salarié une indemnité d’activité partielle au moins égale à 70 % de sa rémunération antérieure brute servant d’assiette de calcul des congés payés (soit environ 84 % du salaire net), versée par l’employeur.

 

L’articulation de ces différentes modalités d’indemnisation, en fonction de leur ordre d’attribution et du motif de l’arrêt de travail, est la suivante :

 

  • Cas de l’arrêt de travail pour maladie ANTERIEUR au placement en activité partielle.

 

Le salarié en arrêt de travail bénéficie, pendant la durée de son arrêt, des indemnités journalières de sécurité sociales et de l’indemnité complémentaire de l’employeur.

 

Toutefois, dès lors que l’employeur aura mis en œuvre le recours à l’activité partielle, celui-ci adaptera le montant de la rémunération maintenue, pour qu’elle n’excède pas 70 % de la rémunération brute du salarié (niveau de rémunération garanti en cas d’activité partielle).

 

Cet ajustement pourra faire l’objet d’une régularisation a posteriori.

 

Régime social du complément employeur :  Le complément employeur, constituant une rémunération, sera soumis aux cotisations et contributions sociales habituelles.

 

  • Arrêt de travail dérogatoire et fermeture totale ou d’une partie de l’établissement

 

Les arrêts dérogatoires ont vocation à indemniser le salarié qui ne peut pas se rendre sur son lieu de travail, soit par mesure de protection, soit pour garder son enfant de moins de 16 ans dont l’établissement d’accueil est fermé.

 

Si l’entreprise cesse son activité, le salarié n’a pas à se rendre sur son lieu de travail. L’arrêt de travail indemnisé par la Sécurité sociale n’a donc plus de raison d’être.

 

L’employeur doit alors signaler à la CPAM la fin anticipée de l’arrêt, comme il le ferait pour une reprise anticipée d’activité en cas d’arrêt maladie habituel. Toutefois, compte tenu des circonstances exceptionnelles, si l’arrêt de travail dérogatoire est en cours au moment du placement en activité partielle des salariés en raison de la fermeture de tout ou partie de l’établissement, l’employeur peut attendre le terme de l’arrêt en cours pour placer le salarié en activité partielle.

 

Aucune prolongation de l’arrêt ne pourra être accordée une fois le placement en activité partielle intervenu.

 

  • Arrêt de travail dérogatoire et activité partielle en raison d’une réduction de l’activité.

 

Lorsque l’activité partielle prend la forme d’une réduction du nombre d’heures travaillées, il n’est pas possible de cumuler cette activité partielle avec un arrêt de travail dérogatoire. L’employeur ne pourra donc pas placer un salarié en activité partielle pour réduction du nombre d’heures travaillées si un arrêt de travail est en cours.

 

  • Arrêt de travail pour maladie POSTERIEUR au placement en activité partielle.

 

Si un salarié en activité partielle bénéficie d’un arrêt de travail pour maladie (hors arrêts pour garde d’enfant ou personne vulnérable) postérieurement à la mise en œuvre du dispositif d’activité partielle, celle-ci s’interrompt jusqu’à la fin de l’arrêt de travail prescrit.

 

Le salarié bénéficiera, pendant la durée de son arrêt, des indemnités journalières de sécurité sociales et de l’indemnité complémentaire de l’employeur. Toutefois, la rémunération du salarié ne pourra pas excéder 70 % de sa rémunération brute (niveau de rémunération garanti en cas d’activité partielle).

 

Régime social du complément employeur. En outre, le complément employeur, constituant une rémunération, sera soumis aux cotisations et contributions sociales habituelles.

 

3./          NOUVEAU (Mise à jour du 27 avril 2020) : La bascule en activité partielle « automatique » dès le 1er mai 2020 pour ces arrêts de travail dérogatoires

 

L’article 20 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 adoptée par le Parlement prévoit qu’à partir du 1er mai 2020, les salariés placés en arrêt de travail dérogatoires rendus nécessaires par la crise sanitaire du COVID-19 seront placés « automatiquement » en activité partielle et percevront l’indemnité liée.

 

3.1./      Les salariés concernés : cette disposition s’applique aux salariés de droit privé relevant du régime général, du régime agricole ou d’un régime spécial de Sécurité sociale qui se trouvent dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants (Loi art. 20, I) :

  • Le salarié fait partie des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au SARS-CoV-2 (virus du Covid-19), selon des critères fixés par un texte règlementaire (à paraître) ;
  • Le salarié partage le même domicile qu’une de ces personnes vulnérables ;
  • Le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

 

3.2./      L’indemnisation : les salariés éligibles sont indemnisés au titre de l’activité partielle à compter du 1er mai 2020, peu importe la situation de leur employeur à cet égard. Ainsi, ils bénéficient du dispositif d’activité partielle même si l’entreprise n’a pas sollicité l’autorisation de recourir à l’activité partielle pour le reste du personnel.

L’indemnisation des intéressés s’effectue dans les conditions dérogatoires fixées dans le cadre de l’épidémie.

Les salariés concernés perçoivent de leur employeur une indemnité horaire, étant précisé que celle-ci n’est pas cumulable avec les IJSS, ni avec le complément employeur prévus en cas d’arrêt maladie.

Cette indemnité sera versée au salarié à l’échéance normale de paie par l’entreprise, qui se fera ensuite rembourser par l’État dans les mêmes conditions que pour l’activité partielle.

Concrètement, l’employeur sera tenu de verser au salarié, pour chaque heure indemnisable, une indemnité d’activité partielle correspondant à 70 % de sa rémunération horaire brute de référence, retenue dans la limite de 4,5 SMIC, avec, sauf cas particuliers, un minimum de 8,03 € par heure indemnisable.

Cette mesure permet d’éviter une réduction de l’indemnisation des personnes concernées : sans cette mesure, le niveau d’indemnisation des salariés aurait diminué pour atteindre 66% du salaire après 30 jours d’arrêt pour les salariés justifiant d’une ancienneté inférieure à 5 ans, par exemple.

 

3.3./      Modalités particulières : S’agissant des salariés en arrêts de travail pour garde d’enfant, l’employeur ne doit plus les déclarer sur le site Ameli.fr à partir du 1er mai prochain.

 

L’employeur doit effectuer :

  • un signalement de reprise anticipée d’activité via la DSN pour les arrêts en cours à cette date

et

  • une demande d’activité partielle sur le site dédié du gouvernement : emploi.gouv.fr.

 

Pour les salariés en état de vulnérabilité et leurs proches, il leur est demandé de remettre à leur employeur un certificat d’isolement, qui leur aura été adressé par l’assurance maladie ou établi par un médecin de ville, à charge pour l’employeur d’effectuer un signalement de reprise anticipée d’activité et de procéder à une déclaration d’activité partielle dans les mêmes conditions que ci-dessus.

 

3.4./      Durée d’application : Ce nouveau dispositif s’applique à compter du 1er mai 2020, y compris aux salariés qui bénéficient à cette date d’un arrêt de travail dérogatoire antérieur.

 

Ainsi, les salariés indemnisés au titre de leur arrêt de travail continuent de l’être jusqu’au 30 avril 2020 et basculent dans le dispositif d’activité partielle à partir du 1er mai.

 

Les salariés qui viendraient à entrer dans l’une des catégories concernées après cette date entreraient directement dans le dispositif d’activité partielle.

 

Selon les salariés bénéficiaires, cette mesure s’applique jusqu’à une date fixée comme suit :

 

  • Personnes vulnérables ou cohabitant avec une personne vulnérable : jusqu’à une date fixée par décret (à paraître) et au plus tard le 31 décembre 2020 ;

 

  • Parents d’enfants maintenus au domicile: application pendant toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile de l’enfant.

 

Les modalités d’application de ce nouveau dispositif doivent être précisées par décret (procédure, notamment pour la bascule des salariés déjà en arrêt de travail, éventuelles adaptations du mécanisme général d’activité partielle, etc.).