Si une convention de forfait en jours est privée d’effet, l’employeur peut réclamer le remboursement des jours de réduction du temps de travail (RTT) accordés en application de celle-ci.
Dans un arrêt du 6 janvier 2021 (N°17-28.234), la Cour de cassation, après avoir jugé que le non-respect des règles conventionnelles de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif privait d’effet une convention de forfait en jours, a décidé que le paiement des jours de repos est devenu indu pour la durée de la période de suspension de la convention de forfait en jours.
Sur le fondement de l’action en répétition (remboursement) de l’indu, l’employeur est dés lors bien-fondé à réclamer le paiement des jours de RTT pris par le salarié.
Cette jurisprudence avantageuse pour l’employeur doit désormais être utilisée pour atténuer (en partie) les conséquences financières de la remise en cause d’une convention de forfait, notamment le paiement d’heures supplémentaires.

 

Par Caroline Colet

 

 

Les faits et la procédure

 

Un salarié, Responsable Recherche et Développement, bénéficiait du statut Cadre et était soumis à une convention de forfait en jours.

 

Licencié pour faute grave, il a notamment réclamé le paiement d’heures supplémentaires et la suspension de sa convention de forfait en jours, soutenant que son employeur n’avait pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail.

 

En défense, l’employeur réclamait, à titre subsidiaire, le remboursement des jours de RTT prévus par la convention de forfait si cette dernière était reconnue comme privée d’effet.

 

La Cour d’Appel saisie de l’affaire a :

 

  • Constaté que l’employeur n’avait pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif et en a déduit que la convention de forfait en jours est privée d’effet, de sorte que le salarié pouvait réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

 

  • Débouté l’employeur de sa demande au titre du remboursement des jours de RTT considérant que la convention de forfait en jours n’étant pas annulée, mais seulement privée d’effet, il n’y avait pas lieu de priver le salarié de l’octroi des jours de RTT.

 

 

Le pourvoi formé :

 

Devant la Cour de cassation, l’employeur soutenait notamment que :

 

  • Lorsque l’employeur n’assure pas l’effectivité des règles relatives à la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, cette défaillance prive l’employeur de la possibilité de se prévaloir de la convention de forfait, qui de ce fait, n’est pas nulle mais privée d’effet,

 

  • L’inopposabilité de la convention de forfait entraîne le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du Code du travail,

 

  • Les journées de RTT étant la contrepartie de la forfaitisation, elles constituent un tout avec le régime de forfait et un avantage indissociable de l’application dudit forfait,

 

  • Ces jours de RTT perdent tout objet en cas de suppression de ce forfait, peu important que celui-ci soit déclaré sans effet et non nul,

 

  • En retenant au contraire que la privation d’effet de la convention de forfait en jours ne privait pas le salarié du droit au paiement des jours de RTT prévus dans ladite convention, la Cour d’appel a violé les articles L.312-1, L.3171-4 et L.3121-43 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige.

 

 

La position de la Cour de cassation

 

La Chambre sociale donne raison à l’employeur.

 

Elle censure la décision déférée au visa de l’article 1376 du Code civil dans sa rédaction antérieure (devenu l’article 1302-1), selon lequel « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

 

Appliquant le principe de la répétition de l’indu, la Cour de cassation énonce la solution suivante :

 


 

« En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était privée d’effet, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d’appel a violé le texte susvisé.« .

 


 

 

Analyse

 

Cette décision se révèle pour une fois favorable aux intérêts de l’employeur.

 

La remise en cause d’une convention de forfait en jours donne souvent lieu à un débat particulièrement délicat pour l’employeur, s’agissant de la charge de la preuve sur la réalisation des heures supplémentaires alléguées.

 

Cette jurisprudence permet à l’employeur, à titre reconventionnel, de solliciter un remboursement qui peut atténuer les conséquences financières de la remise en cause d’une convention de forfait.

 

La solution dégagée par la Cour de cassation concerne le cas d’une convention de forfait en jours privée d’effet.

 

La question se pose de savoir si la nullité de la convention de forfait (absence d’accord collectif ou défaut de dispositions assurant le contrôle de la charge de travail) peut emporter les mêmes conséquences s’agissant de la répétition de l’indu pour les jours de RTT pris.

 

Selon plusieurs commentateurs, les conséquences d’une annulation d’une convention de forfait étant similaires à celles résultant d’une privation d’effet, les avantages octroyés au salarié doivent pouvoir donner lieu à remboursement.

 

Il y a donc lieu d’invoquer la répétition de l’indu pour les jours de RTT en cas de nullité d’une convention de forfait.

 

Il sera enfin rappelé que la Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens (dans un arrêt non publié), à propos de l’application d’une convention de forfait en heures. Les salariés n’étant pas éligibles à la convention de forfait à laquelle ils avaient été soumis, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu (arrêt du 13 mars 2019, N°18-12926).

 

Pour lire l’arrêt publié sur le site de la Cour de cassation : cliquez ici