Le Conseil constitutionnel vient de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l’article L.2314-18 du Code du travail qui énoncent les conditions d’électorat aux élections professionnelles.
Dans une décision du 19 novembre 2021, le Conseil a en effet jugé que l’exclusion de l’électorat des salariés susceptibles d’être assimilés à l’employeur, en application de la jurisprudence actuelle de la Chambre sociale, portait une atteinte disproportionnée au principe de représentation au CSE.

 

 

 

 

 

 

Par Sylvain Mercadiel

 

 

Rappel de la position actuelle de la Cour de cassation sur l’exclusion de l’électorat des salariés assimilés à l’employeur

 

L’article L.2314-18 du Code du travail ne pose que 3 conditions pour être électeur :

 

  • Avoir 16 ans révolus
  • Compter une ancienneté de 3 mois au moins dans l’entreprise
  • Ne pas être touché par une interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques.

 

Néanmoins, interprétant ces dispositions, la Cour de cassation considère de manière constante que sont exclus de l’électorat les salariés « assimilés à l’employeur », c’est-à-dire ceux :

 

  • qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise,

Et/ou :

  • qui représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel.

 

 

Rappel du contexte dans lequel le Conseil Constitutionnel a été saisi de cette question

 

Une Fédération syndicale avait saisi le Tribunal d’Instance de Saint-Omer d’un contentieux portant sur le sort des directeurs de magasin d’une grande enseigne de la distribution dans le cadre des élections du CSE de plusieurs établissements.

 

Par un jugement rendu le 25 novembre 2019, le Tribunal avait alors fait droit à la demande de cette Fédération d’exclure des listes électorales ces directeurs, dans la mesure où ceux-ci étaient « assimilés à l’employeur ».

 

La Cour de cassation, saisie par l’employeur (et rejointe par un Syndicat de l’encadrement) avait confirmé le jugement du Tribunal d’Instance (31 mars 2021, n° 19-25233).

 

Le Syndicat de l’encadrement avait alors soulevé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) devant le Tribunal Judicaire de Bourg-en-Bresse pour déterminer si cette règle issue du Code du travail, telle qu’interprétée par la jurisprudence, constituait une atteinte justifiée au principe de participation des travailleurs, reconnu par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946.

 

 

La position du Conseil constitutionnel

 

Par une décision en date du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a donné raison au Syndicat de l’encadrement et a jugé contraire à la Constitution l’article L.2314-18 du code du travail tel qu’interprété par la Cour de cassation.

 

Pour les « Sages » du Conseil, ces salariés assimilés à l’employeur sont exclus, pour ce seul motif, de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du CSE, ce qui porte une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

 

 

Quelle conséquences pratiques pour les processus électoraux à venir ?

 

Bien qu’il juge l’article L.2314-18 du Code du travail contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel reporte la déclaration d’inconstitutionnalité de ce texte et ses effets au 31 octobre 2022 afin d’éviter de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles.

 

Il est donc laissé au Législateur le temps d’adapter la loi et de modifier les termes de cet article : toute mesure prise avant le 31 octobre 2022 en application de l’article L. 2312-18 ne pourra pas être contestée sur le fondement de son inconstitutionnalité.

 

En revanche, la position du Conseil constitutionnel sur cette question devrait conduire à un revirement de la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

 

Il est donc d’ores et déjà recommandé de ne plus exclure les salariés assimilés à l’employeur dans le cadre des processus électoraux à venir.

 

En tout état de cause, il convient de souligner que la décision du Conseil constitutionnel porte uniquement sur la qualité d’électeur, et non sur celle de l’éligibilité (de jurisprudence constante, ces salariés « assimilés à l’employeur » ne sont pas éligibles).

 

 

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