Lors du constat de l’inaptitude d’un salarié, le Médecin du travail peut dispenser l’employeur d’une recherche de reclassement en visant expressément l’un des deux cas de dispense légale prévus à l’article L.1226-2-1 du Code du travail : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », ce qui accélère et simplifie la procédure de licenciement pour inaptitude physique qui suit.
Par un arrêt du 3 juillet 2024 (N°23-14.227), la Cour de cassation précise que le salarié peut toujours contester cette dispense de recherche de reclassement, celle-ci reposant sur des éléments de nature médicale appréciés par le Médecin du travail qui entrent dans le champ de la procédure spécifique de contestation de l’avis d’inaptitude .

 

 

 

 

 

 

 

Par Sylvain Mercadiel

 

 

Les faits

 

Une salariée en arrêt de travail depuis septembre 2021 est déclarée inapte à son poste de travail lors de sa visite de reprise en avril 2022.

 

L’avis du médecin du travail précise que « l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

 

La salariée saisit la juridiction prud’homale, statuant en la forme des référés, d’un recours contre cette mention de la dispense de recherche de reclassement contenue dans l’avis d’inaptitude en application de la procédure prévue à l’article L.4624-7 du Code du travail.

 

L’employeur soulève une fin de non-recevoir considérant que la salariée ne pouvait pas contester l’avis du Médecin du travail en ce qu’il mentionne une dispense de reclassement.

 

La formation de référé et la Cour d’appel rejettent cette fin de non-recevoir et jugent que l’action de la salariée est recevable.

 

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

 

 

La position de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation commence par rappeler que le juge peut être saisi d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (Point I. de l’article L.4624-7 précité).

 

Puis, la Cour poursuit son raisonnement et énonce qu’il résulte de la combinaison des articles L.4624-4 et R.4624-42 du Code du travail que le médecin du travail peut assortir l’avis d’inaptitude d’indications relatives au reclassement du travailleur et mentionner notamment :

 

– que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;

– ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

 

Pour la Cour de cassation, une telle mention émise par le Médecin du travail repose nécessairement sur des éléments de nature médicale.

 

La contestation portant sur cette mention relative à la dispense de recherche de son reclassement est donc recevable.

 


 

  1. Selon l’article L. 4624-7 du code du travail, la contestation dont peut être saisi le juge doit porter sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.
  2. Il résulte de la combinaison des articles L 4624-4 et R. 4624-42 du même code que le médecin du travail peut assortir l’avis d’inaptitude d’indications relatives au reclassement du travailleur et mentionner notamment que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
  1. Une telle mention constitue une indication émise par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, de sorte que la contestation portant sur cette mention est recevable.
  1. La cour d’appel qui a constaté que, dès lors que la salariée contestait l’avis du médecin du travail reposant sur des constatations médicales relatives à ses possibilités de reclassement dans l’entreprise, sa contestation entrait bien dans le champ du recours prévu par la loi, en a exactement déduit que la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur devait être rejetée et que l’action était recevable, le moyen, pris en sa première branche, critiquant des motifs surabondants étant inopérant.
  2. Le moyen n’est donc pas fondé.

 


 

 

Rappel schématique de la procédure de contestation d’un avis d’inaptitude

 

Le salarié (quel que soit le statut de son contrat (CDI, CDD, intérim), même en période d’essai ou en formation) ou l’employeur peut exercer un recours contre :

 

– l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude du salarié bénéficiant d’un suivi médical renforcé en raison de son affectation sur un poste à risque (L.4624-2) ;

– toute préconisation d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail (L.4624-3) ;

– l’avis médical d’inaptitude physique (L.4624-4).

 

La contestation porte sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale.

 

Sont exclues les contestations portant sur :

  • Sur le déroulé de la procédure d’aptitude/ou inaptitude (vices de procédure) ;
  • Les contestations sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle, coût économique …)
  • L’origine professionnelle de l’inaptitude
  • Le non-respect par l’employeur des préconisations du Médecin du travail.

 

La contestation des avis du médecin du travail doit être portée devant le Conseil de prud’hommes, dans les 15 jours suivant leur notification.

 

Le Médecin du travail est chargé de cette notification (lettre avec accusé de réception, remise en main propre contre récépissé ou envoi électronique…) :

 

« L’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude est transmis au salarié et à l’employeur par tout moyen leur conférant une date certaine » (R.4624-55).

 

Passé ce délai de 15 jours, la contestation devant le CPH est irrecevable. Le dépassement du délai constitue une fin de non-recevoir.

 

La contestation est jugée selon la procédure accélérée au fond (R.4624-45), c’est-à-dire jugée devant la formation de référé.

 

La procédure se déroule en deux étapes :

  • Une première audience qui rappelle l’objet du litige à l’issue de laquelle le CPH ordonne une mesure d’instruction ;
  • Une deuxième audience après le dépôt du rapport d’expertise.

 

 

Pour la présentation complète de la procédure sur le site du Ministère du travail : cliquez ici