La rupture conventionnelle est un dispositif particulièrement utilisé, permettant de rompre un contrat de travail d’un commun accord à une date convenue entre les parties. La crise sanitaire et les premières mesures gouvernementales défensives avaient eu raison d’elle dès le 25 mars dernier, avant qu’une ordonnance puis un décret ne la réactivent complètement.

Par Hugues Wedrychowski

 

 

La possibilité de rupture amiable du contrat de travail avait été mise « à l’arrêt total » par la crise sanitaire du COVID-19, ce depuis le 25 mars 2020 avec effet rétroactif au 12 mars 2020.

 

Moins d’un mois plus tard, un décret du 24 avril 2020, publié au J.O. du 25 avril, vient de « réactiver » le dispositif de la rupture conventionnelle dans sa totalité.

 

Ce décret intègre en effet la procédure d’homologation de la rupture conventionnelle dans la liste des actes et procédures dont les délais reprennent leur cours à compter du lendemain de la publication du décret au J.O.

 

Dès le 26 avril 2020, la rupture conventionnelle va donc pouvoir à nouveau être utilisée :

 

  • Le délai de rétractation de 15 jours calendaires commencera à courir à compter de la date de signature par les deux parties ;

 

  • Le délai d’homologation de 15 jours ouvrables commencera à courir à compter de la réception de la demande par la DIRECCTE et l’homologation tacite sera acquise à l’expiration d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande.

 

La neutralisation provisoire de ce dispositif (et surtout de toutes les ruptures conventionnelles « en cours » au 12 mars dernier) avait posé en pratique de nombreuses difficultés, notamment s’agissant de la sécurisation des relations de travail.

 

La situation est désormais juridiquement stabilisée.

 

Outre les « nouvelles » ruptures conventionnelles qui seront signées dans les prochains jours, toutes les ruptures conventionnelles précédemment régularisées et dont l’homologation avait été suspendue par l’effet de l’ordonnance du 25 mars 2020 vont pouvoir faire l’objet d’une homologation, tacite ou par décision expresse, sans risque d’insécurité juridique.

 

Cela concerne les ruptures conventionnelles dont :

 

=> Le délai de rétraction de 15 jours calendaires était encore en cours au 12 mars 2020 : ce délai devait être prorogé jusqu’au 24 juin 2020.

    • Le délai de rétractation va désormais reprendre son cours à compter du 26 avril 2020. A l’issue de ce délai, l’homologation pourra être demandée à la DIRECCTE, si aucune des parties ne s’est rétractée.

 

=> La demande d’homologation avait été réceptionnée par la DIRECCTE avant le 12 mars 2020 mais dont le délai d’instruction de 15 jours ouvrables était toujours en cours au 12 mars 2020 : une prorogation du délai d’homologation s’opérait pour ne débuter qu’à compter du 24 juin prochain (cela pouvait donc concerner une demande d’homologation réceptionnée depuis le 24 février 2020, le délai d’homologation tacite n’était pas expiré au 12 mars dernier).

    • Le délai d’homologation va désormais reprendre son cours à compter du 26 avril 2020 et l’homologation tacite pourra être acquise à l’issue du délai de 15 jours ouvrables « reconstitué » (prendre en compte les jours ouvrables acquis avant le 12 mars, puis ceux survenant à compter du 26 avril 2020).

 

=> La demande d’homologation avait été réceptionnée par la DIRECCTE à compter du 12 mars 2020 : le délai d’instruction de 15 jours ouvrables devait être prorogé pour ne débuter qu’au 24 juin 2020.

    • Le délai d’homologation va désormais courir à compter du 26 avril 2020 et l’homologation tacite pourra être acquise à l’issue du délai de 15 jours ouvrables.

 

Avant ce décret du 24 avril 2020, une ordonnance du 15 avril 2020 avait déjà modifié l’ordonnance du 25 mars 2020 en excluant le délai de rétractation du mécanisme de suspension et prorogation des délais jusqu’au 24 juin 2020 que cette dernière instaurait.

 

De ce fait, il était devenu possible depuis le 16 avril dernier :

 

      • De régulariser une rupture conventionnelle : pour ces dernières signées à compter du 16 avril 2020, l’homologation auprès de la DIRECCTE sera sollicitée à l’expiration du délai de rétractation de 15 jours calendaires ;
      • De demander l’homologation expresse d’une rupture conventionnelle dont le délai de rétractation avait débuté après le 12 mars 2020 et avait expiré depuis.

 

En pratique et sur recommandation de plusieurs DIRECCTES, ces demandes d’homologation se faisaient par télétransmission sur le portail TeleRC, doublé d’une demande de procéder à l’homologation expresse transmise par e-mail à la DIRECCTE compétente).

 

En revanche, l’homologation tacite (i.e. celle acquise à l’issue du délai de 15 jours ouvrables) n’était pas possible, un tel mécanisme étant toujours neutralisé par l’ordonnance du 25 mars précitée, non modifiée sur ce point et avec effet rétroactif au 12 mars 2020.

 

Le décret du 24 avril 2020 « restaure » donc le dispositif de la rupture conventionnelle dans son intégralité :

 

      • Le délai de rétractation de 15 jours calendaires ne subit plus aucune suspension ou prorogation ;
      • L’homologation tacite s’acquiert de nouveau à l’expiration d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande ;
      • L’homologation expresse est toujours possible si elle est notifiée aux parties avant l’expiration du délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande.

 

La crise sanitaire actuelle n’aura finalement impacté le fonctionnement normal du dispositif de la rupture conventionnelle que pendant une courte période, du 12 mars au 25 avril 2020.

 

En l’état, il est toutefois recommandé d’utiliser ce dispositif avec précaution :

 

      • La saisie du CERFA de rupture conventionnelle devra être réalisée uniquement sur le portail dédié (TeleRC), pour permettre ensuite de télétransmettre une demande d’homologation ;
      • La procédure de régularisation de la rupture conventionnelle devra être strictement observée, notamment le respect du délai de rétractation ;
      • Si la tenue de l’entretien préparatoire peut sans doute être adaptée aux circonstances exceptionnelles (entretien par visio ou audioconférence), il convient de s’assurer de la réalité du consentement du salarié à la rupture amiable de son contrat de travail, pour éviter une remise en cause ultérieure de la rupture conventionnelle (possible dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation) ;
      • Si la signature des 3 exemplaires du CERFA pourra se faire par régularisation tournante, il conviendra de s’assurer que le salarié dispose d’un exemplaire original signé des deux parties avant l’expiration du délai de rétractation ;
      • La demande d’homologation devra être réalisée par télétransmission, pour éviter toute difficulté en lien avec les aléas de la distribution du courrier postal.