Après l’adoption de l’article 2 relatif à l’Index Senior (voir notre Actualité sur le sujet) dans le cadre des débats sur le projet de loi de réforme des retraites, le Sénat a adopté, sur amendement et contre l’avis du Gouvernement, la création d’un CDI « de fin de carrière » spécialement réservé aux salariés âgés d’au moins 60 ans et bénéficiant d’une exonération de certaines cotisations patronales.
Porté par la Droite (majoritaire au Sénat), ce nouveau dispositif a été présenté comme un outil destiné à favoriser le recrutement des séniors, principal enjeu de la réforme des retraites en parallèle du recul du l’âge légal de départ en retraite.
Adopté par 202 voix contre 123, l’opposition (Gauche socialiste) a dénoncé « une commande directe du MEDEF » (Yan CHANTREL) et s’interrogeant sur le fait d’être « toujours obligé de faire des cadeaux aux entreprises pour qu’elles recrutent des gens » (Monique LUBIN).
Mise à Jour (16/03) : La Commission Mixte Paritaire a modifié le dispositif envisagé par le Sénat en l’instaurant à titre expérimental pendant 3 ans, en le réservant uniquement aux seniors demandeurs d’emploi longue durée et limitant les exonérations de charges pendant les 12 premiers mois d’exécution du contrat. Ce dispositif modifié est donc prévu dans le projet de loi sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité.
** Mise à Jour (21/03) : Considéré comme adopté par l’Assemblée nationale le 20 mars 2023 en application de l’article 49-3 de la Constitution, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a été soumis au Conseil Constitutionnel dès le 21 mars 2023, tant par le Gouvernement, que 60 députés (2 saisines) et 60 sénateurs. Le Conseil constitutionnel a annoncé se prononcer sur la conformité de cette loi le 14 avril prochain.
*** Mise à Jour (23/03) : Le quotidien OUEST-FRANCE a publié dans son édition du 23 mars 2023 un article relatif aux interrogations que le CDI sénior suscite et nous a interviewé sur plusieurs points de controverse.
**** Mise à Jour (14/04) : Dans sa décision n°2023-849 DC (voir Point 81. et suivants), le Conseil constitutionnel vient de déclarer contraire à la Constitution l’article 3 de la loi qui créait à titre expérimental ce contrat de fin de carrière pour le recrutement des demandeurs d’emploi de longue durée âgés d’au moins 60 ans. Ce dispositif sera donc retranché de cette loi.

 

 

Par Hugues Wedrychowski

 

 

Présentation du dispositif

 

Les sénateurs, contre l’avis du gouvernement, ont adopté la création d’un contrat à durée indéterminée « de fin de carrière » spécifiquement réservé aux salariés âgés d’au moins 60 ans.

 

Le Ministre du travail (Olivier DUSSOPT) avait donné un avis défavorable à ce nouveau dispositif, s’interrogeant sur son « ciblage ».

 

Le Ministre des Comptes public (Gabriel ATTAL) craignant « un effet d’aubaine qui mènerait la branche famille dans le rouge », a soutenu que 100.000 CDI étaient signés chaque année avec des salariés de plus de 60 ans et que « si tous étaient signés dans le cadre du nouveau dispositif manque à gagner pour la branche famille serait de l’ordre 800 millions d’euros et pourrait même atteindre 2,2 milliards d’euros en cas d’effet d’aubaine ».

 

 

Le dispositif adopté par le Sénat en 1ère lecture

 

L’article 2 Bis A (nouveau) du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est actuellement le suivant :

 

 


 

Article 2 bis A (nouveau)

 

I.  – Le chapitre III du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

 

Section 4

« Contrat de fin de carrière »

 

« Art. L. 1223‑10. – Un salarié âgé d’au moins soixante ans peut conclure avec un employeur un contrat pour la fin de sa carrière.

 

« Le contrat est conclu pour une durée indéterminée. Par dérogation à l’article L.1237‑5, l’employeur peut mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein mentionné au deuxième alinéa de l’article L.351‑1 du code de la sécurité sociale.

 

« Le contrat est établi par écrit. Les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié sont fixées par une convention de branche ou un accord de branche étendu. À défaut d’accord, ces modalités sont fixées par décret.

 

« La contribution mentionnée à l’article L.137‑12 du même code n’est pas due par l’employeur qui met à la retraite le salarié dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article.

 

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »

 

II.  – La section 4 du chapitre Ierdu titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241‑21 ainsi rédigé :

 

« Art. L. 241‑21. – Les rémunérations versées au salarié employé dans le cadre du contrat prévu à l’article L. 1223‑10 du code du travail sont exonérées des cotisations dues au titre du 1° de l’article L. 241‑6 du présent code. »

 

III.  – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2023.

 

Le Gouvernement engage, dès la publication de la présente loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel en vue de l’élaboration du décret mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1223‑10 du code du travail.

 

IV.  – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ierdu livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


 

 

Les caractéristiques du dispositif

 

Par dérogation aux règles de mise à la retraite, l’employeur pourrait mettre le salarié à la retraite avant ses 70 ans sans son accord, dès lors qu’il remplirait les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein.

 

Ce contrat serait établi par écrit.

 

Une convention de branche ou un accord de branche étendu pourrait fixer les activités concernées par ce nouveau CDI, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié.

 

En l’absence d’accord, ces règles seraient fixées par décret.

 

L’employeur qui mettrait à la retraite le senior en CDI de fin de carrière selon les conditions précitées ne serait pas redevable de la contribution sociale due sur l’indemnité de mise à la retraite.

 

En outre, les rémunérations versées au senior employé dans le cadre de ce contrat seraient exonérées de la cotisation patronale d’allocations familiales (CSS. Article L.241‑6).

 

Ce dispositif entrerait en vigueur le 1er septembre 2023.

 

Ses modalités d’application seraient déterminées par décret pris après concertation avec les partenaires sociaux.

 

 

Le dispositif retenu par la Commission Mixte Paritaire 

 

Le dispositif voté par le Sénat en 1ère lecture a connu des modifications importantes à l’issue de son passage en Commission Mixte Paritaire.

 


 

Article 2 bis A

 

I A (nouveau). – Les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel peuvent engager une négociation en vue de définir des mesures visant à favoriser l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée, sur la base d’un document d’orientation transmis par le ministre chargé du travail, tel que prévu à l’article L. 1 du code du travail.

 

I B (nouveau). – En l’absence d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 août 2023, le I du présent article s’applique à titre expérimental du 1er septembre 2023 jusqu’au 1er septembre 2026.

 

I. – Un salarié demandeur d’emploi de longue durée âgé d’au moins soixante ans, inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi et tenu d’accomplir à ce titre des actes positifs et répétés de recherche d’emploi, peut conclure avec un employeur un contrat pour la fin de sa carrière.

 

Le contrat est conclu pour une durée indéterminée.

 

Une convention de branche ou un accord de branche étendu définit les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat, les modalités selon lesquelles l’employeur peut, par dérogation aux articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail, mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié. À défaut d’accord, ces modalités sont fixées par décret.

 

Les rémunérations versées au salarié durant les douze premiers mois d’exécution de ce contrat sont exonérées des cotisations dues au titre du 1° de l’article L.241-6 du même code. Cette exonération n’est pas applicable aux rémunérations versées au salarié percevant une pension de vieillesse servie par un régime de retraite légalement obligatoire.

 

II et III. – (Supprimés)

 

IV. –  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I B et I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ierdu livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

V. (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue aux I B et I du présent article au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.

 


 

 

Les adaptations faites par la CMP sur le dispositif initial envisagé par le Sénat sont les suivantes :

 

A défaut d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 août 2023, le dispositif s’appliquera à titre expérimental pendant 3 ans, soit  jusqu’au 1er septembre 2026.

 

Le senior d’au moins 60 ans qui conclut un tel contrat devra être un demandeur d’emploi de longue durée.

 

Les activités concernées, la rémunération minimale et l’indemnité de mise à la retraite seront définies par accord de branche et non par décret.

 

L’exonération de la cotisation patronale d’allocations familiales ne sera appliquée que pour les 12 premiers mois d’exécution du contrat.

 

Un rapport d’évaluation sera établi par le Gouvernement 6 mois avant la fin de l’expérimentation.

 

 

L’article publié dans Ouest-France le 23 mars 2023

 

Avec d’autres praticiens en droit du travail, nous avons été interrogé par M. Jacques SAYAGH, journaliste à Ouest-France, sur les caractéristiques de ce contrat sénior et les interrogations qu’il pouvait susciter.

 

Pour prendre connaissance de l’article sur le site Ouest-france : cliquez ici