Une fois que le déconfinement sera achevé, viendra le moment de traiter les conséquences économiques de la baisse effroyable d’activité subie par les entreprises pendant la crise sanitaire du Covd-19.
Plutôt que d’imposer une rupture du contrat de travail aux salariés en procédant à des licenciements, il est sans doute encore possible de recourir au dispositif de l’Accord de Performance Collective pour tenter de préserver les emplois, tout en mettant en œuvre le plan d’économies jugé indispensable par l’employeur.

 

Par Hugues Wedrychowski et Camille Josse

 

 

L’enjeu économique et social de la sortie de la crise sanitaire actuelle est parfaitement identifié : limiter autant que possible une « avalanche de licenciements » résultant directement de la baisse drastique d’activité subie par d’innombrables entreprises pendant plusieurs semaines.

 

Le recours à certains dispositifs préservant l’emploi comme celui de l’Accord de Performance Collective (APC) est une alternative à la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi et sa cohorte d’inconvénients (délai, procédure, coûts, contentieux…) qu’il convient d’examiner.

 

 

1./   Présentation du dispositif :

 

L’APC, défini à l’Article L.2254-2 du Code du travail, est un accord collectif conclu :

 

  • Pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, notion très large qui englobe à l’évidence la baisse de l’activité, les difficultés économiques ou la nécessité de procéder à une réorganisation ;

OU

  • En vue de préserver ou de développer l’emploi.

 

Un tel dispositif permet donc de s’adapter aux évolutions du marché et, pour la situation actuelle, de gérer les conséquences de la baisse ou disparition d’activité

 

Si des difficultés économiques peuvent motiver sa conclusion, un tel accord peut s’inscrire aussi dans une perspective défensive pour préserver l’emploi.

 

L’APC est donc un outil adapté pour mettre en place un plan d’économies au sein de l’entreprise :

 

  • en flexibilisant la durée du travail,

 

  • en réduisant certains éléments de rémunération,

 

  • contre un objectif de limitation des départs contraints.

 

Un tel accord peut être conclu au niveau d’un établissement, de l’entreprise ou même du Groupe (L.2232-11).

 

 

2./   Contenu de l’accord :

 

L’APC contient des stipulations qui visent à :

 

2.1./   Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition

 

L’APC doit respecter les dispositions impératives du Code du travail relatives à la durée du travail, s’agissant notamment des forfaits en jours et de l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine.

 

Toutefois, en cas de simple modification de conventions de forfait déjà existantes, les dispositions exigeant l’accord du salarié formalisé dans une convention écrite ne s’appliquent pas. Ainsi, un APC peut modifier une convention de forfait annuel sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord du salarié et de le formaliser par écrit.

 

L’APC permet, par exemple, d’augmenter la durée du travail sans augmenter la rémunération ou de réduire la durée du travail et consécutivement la rémunération (suppression des heures supplémentaires structurelles, modification du nombre annuel de jours travaillés ou de jours de congés…etc).

 

2.2./   Aménager la rémunération, dans le respect des salaires minima hiérarchiques définis par convention de branche :

 

Il s’agit du salaire ou traitement de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

 

L’APC permet, par exemple, de neutraliser une prime conventionnelle (ex. 13ème mois) ou contractuelle ou de déplafonner une prime (ex. prime d’ancienneté) pour permettre une réduction de la rémunération des salariés dans la limite du SMIC et des minima conventionnels.

 

2.3./   Déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

 

Sur ce sujet, la liberté des parties à la négociation est particulièrement large.

 

L’APC permet, par exemple, de gérer un déménagement de l’entreprise et ses conséquences, en simplifiant la procédure sans mise en place d’un PSE quand 10 salariés au moins refusent la modification de leur lieu de travail.

 

L’APC peut porter sur l’un de ces trois sujets ou plusieurs d’entre eux, voire les trois.

 

Le principal intérêt de l’APC réside dans le fait que les stipulations qu’il contient se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail des salariés qui en acceptent l’application.

 

L’APC doit définir ses objectifs dans un préambule et peut préciser :

 

  • les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;

 

  • les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord et les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés (diminution de la rémunération des dirigeants, diminution des dividendes) ;

 

  • les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;

 

  • les modalités d’accompagnement des salariés refusant l’application de l’accord ainsi que l’abondement de leur compte personnel de formation (CPF) au-delà du montant minimal de 3.000€.

 

 

3./    Procédure de négociation de l’accord et dépôt :

 

La négociation d’un APC suit les règles suivantes :

 

  • Dans les entreprises dotées de Délégués syndicaux, la conclusion d’un APC est soumise aux conditions de validité des accords majoritaires (L.2232-12) :

 

    • Avec un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50% des suffrages aux dernières élections ;

 

    • À défaut, s’il a été signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, l’APC doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (référendum).

 

  • Dans les entreprises dépourvues de Délégué syndical, l’APC peut être conclu selon les règles de négociations spécifiques prévues selon l’effectif de l’entreprise :

 

 

→  Voir notre Synthèse sur les règles de négociation avec ou sans DS d’un accord collectif

 

Il appartient aux parties qui négocient de fixer la durée d’application de l’APC.

 

A défaut de précisions dans l’APC, cette durée est fixée à 5 ans.

 

Les accords de performance collective doivent ensuite faire l’objet d’un dépôt en ligne sur le portail dédié Téléaccords.

 

En revanche, compte tenu des informations confidentielles qu’ils contiennent, ils ne sont pas rendus publics comme les autres accords collectifs (publiés sur Legifrance).

 

 

4./    Mise en œuvre de l’accord :

 

La mise en application d’un APC se réalise dans les conditions suivantes :

 

  • Une fois l’APC conclu, l’employeur doit informer les salariés concernés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord.

 

  • Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé. Le silence du salarié à l’issue du délai d’un mois vaut acceptation.

 

  • Si le salarié accepte l’application de l’accord, les stipulations de l’APC se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de son contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. Aucun avenant au contrat de travail n’est nécessaire.

 

  • Si le salarié refuse, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement individuel « sui generis ». Ce licenciement (après la tenue d’un entretien préalable classique) reposera sur le motif spécifique du refus d’accepter les stipulations de l’APC qui constitue une cause réelle et sérieuse (Paiement de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et de l’indemnité de préavis).

 

  • Le salarié licencié à la suite du refus d’une modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’APC bénéficie d’un abondement de son compte personnel de formation (CPF) d’un montant minimal de 3.000 €. Un montant supérieur peut être prévu par l’accord de performance collective (R.6323-3-2).