Passée la dernière phase de déconfinement, à défaut de reprise rapide, énergique et durable, de nombreux employeurs vont devoir procéder à des réductions d’effectifs pour faire face aux difficultés économiques rencontrées.
Pourtant, plutôt que de procéder à des licenciements collectifs, il est peut-être encore possible de recourir au dispositif de la Rupture Conventionnelle Collective pour mettre en place un mécanisme de départs volontaires, encadré par un accord collectif, validé par l’Administration et exclusif, pendant sa durée d’application, de mesures de licenciements pour motif économique.

 

Par Hugues Wedrychowski et Sylvain Mercadiel

 

 

L’enjeu économique et social de la sortie de la crise sanitaire actuelle est parfaitement identifié : limiter autant que possible une « avalanche de licenciements » résultant directement de la baisse drastique d’activité subie par d’innombrables entreprises pendant plusieurs semaines.

 

Le recours au dispositif de la Rupture Conventionnelle Collective qui permet par voie d’accord de réduire les effectifs dans le cadre de ruptures d’un commun accord est une autre alternative possible à la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi et sa cohorte d’inconvénients (délai, procédure, coûts, contentieux…) qu’il convient d’étudier.

 

 

1./   Présentation du dispositif :

 

La RCC, définie à l’article L.1237-19 du Code du travail est un accord collectif conclu :

 

  • Pour définir les conditions de rupture d’un commun accord du contrat de travail entre l’employeur et les salariés qui l’acceptent, en ayant recours au dispositif de la rupture conventionnelle,

 

  • En excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui sont fixés en termes de suppression d’emploi dans l’accord concerné.

 

La RCC est « déconnectée » du mécanisme du licenciement économique et n’a donc pas à être justifiée par un motif économique.

 

Ainsi, les ruptures intervenant dans le cadre de la RCC ne relèvent pas du régime du licenciement pour motif économique et ne donnent pas lieu aux procédures d’information consultation prévues pour la mise en œuvre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE).

 

La RCC est également exclue du régime de la rupture conventionnelle individuelle (Art. L.1237-16).

 

Il s’agit donc bien « d’un guichet de départ volontaire », encadré par un accord collectif validé par l’Administration.

 

En revanche, la RCC ne peut pas être « couplée » avec un ou plusieurs licenciements pour motif économique, car l’accord doit nécessairement exclure tout licenciement de cette nature pour l’atteinte de l’objectif de suppression d’emplois.

 

Cette exclusion est l’un des points de vérification obligatoire de la DIRECCTE.

 

Cet engagement de ne pas recourir au licenciement pour motif économique pendant le temps d’application de la RCC implique que les salariés devront librement choisir entre un départ volontaire dans le cadre d’une rupture conventionnelle ou le maintien dans leur emploi.

 

La durée d’application de la RCC est donc un point capital : elle fixe le délai pendant lequel des licenciements pour motif économique ne pourront pas être envisagés.

 

Sur son articulation avec un PSE ou un PDVA (Plan de Départs Volontaires Autonome), l’Administration a précisé que la RCC est « un dispositif de restructuration à froid » non lié à un motif économique : la RCC n’a donc pas vocation à être déployée en même temps que ces dispositifs spécifiques de compression d’effectifs.

 

La coexistence de départs volontaires et de licenciements contraints doit donc s’effectuer dans le cadre d’un PSE mixte prévoyant une phase préalable de volontariat (PDV).

 

 

2./    Procédure de négociation de l’accord :

 

Pour être applicable, la RCC :

 

  • est soumise aux conditions de validité des accords majoritaires pour les entreprises dotées de Délégués syndicaux (L.2232-12) et pour les entreprises dépourvues de Délégué syndical aux règles de négociations spécifiques prévues selon l’effectif de l’entreprise,

→  Voir notre Synthèse sur les règles de négociation avec ou sans DS d’un accord collectif

ET

  • doit faire l’objet d’une validation ou d’une acceptation tacite par la DIRECCTE ( L.1237-19-3).

 

L’employeur informe la DIRECCTE, sans délai, de l’ouverture d’une négociation en vue de la conclusion d’une RCC (par voie dématérialisée, sur le portail RUPCO).

 

Si l’entreprise est dotée d’un CSE, la RCC prévoit les modalités selon lesquelles le CSE est uniquement informé du contenu de l’accord (sa consultation n’est qu’une faculté).

 

 

3./    Contenu de l’accord :

 

Conformément à l’article L.1237-19-1, la RCC doit déterminer :

 

  • Les modalités et conditions d’information du CSE, s’il existe ;

 

  • Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l’accord ;

 

  • Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;

 

  • Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif ;

 

  • Les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié et d’exercice du droit de rétractation des parties ;

 

  • Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;

 

  • Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;

 

  • Des mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;

 

  • Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.

 

La RCC peut prévoir plusieurs phases de départs et leur cadencement.

 

La RCC peut aussi prévoir un nombre de départs volontaires supérieur au nombre de suppressions d’emplois qui leur sont associées dans la perspective de procéder à des recrutements sur les emplois non supprimés devenant vacants à la suite du départ volontaire de leurs titulaires.

 

Ainsi la RCC n’empêche pas l’entreprise de recruter pendant sa mise en œuvre ou par la suite.

 

L’employeur peut aussi réserver les départs dans le cadre de la RCC à certaines catégories de salariés, en définissant les types d’activités et postes sur lesquels les mesures de départs volontaires sont envisagées.

 

Si les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination sont respectés en fixant des règles claires et objectives, la RCC doit établir des critères de sélection des candidats aux départs.

 

S’agissant de l’âge, la prohibition de toute discrimination impose de traiter un tel critère avec une grande précaution, le contrôle de la DIRECCTE sur ce point faisant l’objet « d’une attention toute particulière » si la RCC a pour objectif à peine dissimulé de faire partir principalement des salariés âgés ou disposant d’une grande ancienneté.

 

L’Administration a d’ailleurs précisé qu’aucune DIRECCTE ne validera une RCC qui ne comporterait que le versement d’indemnités de départ visant des salariés sélectionnés sur le seul critère de l’âge ou de l’ancienneté́.

 

La RCC peut prévoir le bénéfice d’un congé de mobilité, mais en revanche il est impossible de proposer un  Contrat de Sécurisation Professionnelle ou un Congé de Reclassement, dispositifs exclusivement attachés à la procédure de licenciement pour motif économique.

 

 

4./    Procédure de validation par la DIRECCTE :

 

Une fois l’accord conclu, l’employeur doit soumettre la RCC pour validation à la DIRECCTE qui vérifie :

 

  • sa conformité,

 

  • les mesures prévues par l’accord,

 

  • la régularité de la procédure d’information du CSE,

 

  • ainsi que le caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement externe des salariés.

 

Pour valider l’accord collectif, le DIRECCTE se prononce dans un délai de 15 jours, à compter de la réception de l’accord (Art. L.1237-19-4).

 

En cas de décision explicite, la DIRECCTE doit adresser sa décision motivée à l’employeur, au CSE et aux signataires, par tout moyen : il s’agit soit d’une décision de validation, soit de refus.

 

Le silence gardé par le DIRECCTE à l’issue de ce délai de 15 jours vaut décision tacite d’acceptation de validation.

 

Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au CSE et aux signataires de l’accord.

 

En cas de refus de validation, un nouvel accord peut être négocié, qui tient compte des éléments de motivation accompagnant la décision de l’administration.

 

Le CSE est alors informé de la reprise de la négociation. Le cas échéant, le nouvel accord conclu est transmis au DIRECCTE qui se prononce pour validation dans les mêmes conditions que pour le premier accord (Art. L.1237-19-6).

 

 

5./    Mise en œuvre de l’accord :

 

La RCC détermine les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif, ainsi que les critères de départage entre les potentiels candidats au départ.

 

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties.

 

Cette modalité de rupture du contrat de travail, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties (employeur ou salarié).

 

Les parties doivent se conformer aux dispositions prévues par la RCC sur la formalisation de l’accord des parties pour une rupture d’un commun accord.

 

Les salariés protégés (Délégués syndicaux, membres élus du CSE, etc.) peuvent bénéficier des dispositions de la RCC.

 

Dans ce cas, la rupture d’un commun accord est soumise à l’autorisation de l’Inspection du travail dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’un licenciement.

 

Une autorisation est donc nécessaire : si elle est accordée, la rupture du contrat de travail ne pourra intervenir que le lendemain du jour de cette autorisation.

 

Les salariés qui optent pour un départ dans le cadre de la RCC sont éligibles à l’assurance chômage, bien qu’ils n’aient pas vocation à s’inscrire à l’assurance chômage ces derniers ayant présenté un nouveau projet professionnel pour être admis au départ volontaire.

 

Un « filet de sécurité » a été prévu pour les salariés dont le contrat a été rompu dans le cadre d’une RCC (Art. L.5422-1).