Dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire selon la « procédure accélérée », le Sénat a adopté le 28 mai 2020 un nouveau régime spécifique de chômage partiel, présenté comme un relais au dispositif actuel de l’activité partielle auquel les entreprises ont massivement recouru pendant la période de confinement et qui va être progressivement restreint.
Les entreprises en baisse durable d’activité pourraient ainsi bénéficier d’un dispositif spécifique d’activité partielle permettant le remboursement par l’Etat des indemnités versées aux salariés pour les heures non travaillées en contrepartie d’engagements de l’employeur, notamment de maintien de l’emploi.
Ce régime spécifique dépendrait de la conclusion d’un accord collectif ou de l’élaboration d’un Plan d’Activité Réduite pour le Maintien en Emploi (PARME), après consultation du CSE.
Ce nouveau dispositif doit encore être confirmé en Commission Mixte Paritaire avant d’être adopté définitivement par le Parlement dans le courant des prochains jours de juin.
MAJ 3 JUIN 2020 : La Commission Mixte Paritaire vient de modifier le dispositif en supprimant la possibilité pour l’employeur, à défaut d’accord collectif, d’élaborer unilatéralement un « PARME »… La mode change vite… Le Parme ne sera finalement pas la couleur cet été ! Nous préparons un nouvel article sur le nouveau dispositif voté par l’Assemblée Nationale.

 

Par Hugues Wedrychowski et Caroline Colet

 

 

Par un Amendement n°278 au projet de loi relatif « à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne » (sic), le Gouvernement a soumis au Sénat un nouveau dispositif spécifique d’activité partielle, mis en place prioritairement par accord collectif, ou, à défaut d’accord, par document élaboré par l’employeur.

 

Le Gouvernement ajuste ainsi son plan de soutien à l’emploi pour les entreprises durablement affectées par la crise sanitaire.

 

1./   Présentation du dispositif :

 

Lors des débats au Sénat, la Ministre du travail a défendu son amendement dans les termes suivants :

 

« Le retour à la pleine activité sera long dans certains secteurs, automobile, aéronautique, tourisme, culture, sport, qui seront impactés, non seulement en 2020, mais aussi en 2021.

Que faire pour protéger l'emploi et conserver les compétences dans ces secteurs ?

Il faut permettre aux entreprises d'ajuster leur production, en réduisant le temps de travail et en modérant les salaires, à condition de maintenir l'emploi, avec une aide durable de l'État.

L'alternative, c'est le licenciement partiel ou massif du personnel.

Il vaut mieux que ces entreprises, qui vont connaître des difficultés pendant six à dix-huit mois, ou deux ans, mettent en place ce système d'activité partielle, financé par l'État, plutôt que de licencier. C'est donc de l'argent public bien investi.

Il y a urgence, car certaines entreprises, malgré les PGE et les reports de charges, sont en difficulté. Il faut anticiper.

Ce dispositif reposant sur la participation de l'entreprise, des salariés et de l'État, est indispensable pour aller au-devant des difficultés : là où il y aura accord, le taux de prise en charge de l'État sera plus important.

Nous voulons encourager à cette occasion un dialogue social renforcé. Notre boussole, c'est la préservation de l'emploi.

L'urgence nous impose l'agilité. Beaucoup d'emplois sont à la clé. »

 

 

La présentation de l’amendement rappelle que depuis le début de la crise sanitaire, avec la protection de la santé de l’ensemble de la population, l’action publique a été orientée prioritairement vers la préservation de l’emploi et des compétences au sein des entreprises.

 

A ce titre, le dispositif de l’activité partielle a été profondément assoupli pour permettre la prise en charge du plus grand nombre de salariés et d’entreprises : au 12 mai 2020, 1,3 million de demandes d’activités partielle avaient été déposées concernant 12,4 millions de salariés, soit la moitié de l’emploi salarié en France selon la DARES.

 

Si, depuis le 11 mai, l’activité des entreprises reprend progressivement, le redémarrage peut ne pas être immédiat dans plusieurs secteurs d’activité, notamment en raison des cycles de production.

 

Cela peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années pour les secteurs d’activité cités par la Ministre (automobile, aéronautique, tourisme, culture, sport) et par ricochet pour les sous-traitants et prestataires de services travaillant pour ces différents secteurs.

 

Il est donc apparu nécessaire de mettre en place un nouveau dispositif de préservation de l’emploi et des compétences :

 

  • permettant d’ajuster la capacité de production à la baisse en fonction de la demande,

 

  • en limitant les coûts économiques et sociaux,

 

  • tout en préservant l’emploi et les compétences pendant cette période de baisse d’activité.

 

 

2./   Contenu de l’accord ou du document unilatéral :

 

L’accord ou le document unilatéral (le PARME) définira notamment :

 

  • les salariés concernés,

 

  • les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation au titre de cette activité partielle spécifique,

 

  • ainsi que les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.

 

Comme dans le cadre du dispositif du chômage partiel (ou activité partielle), l’employeur :

 

  • devrait verser aux salariés une indemnité d’activité partielle

et

  • serait remboursé par l’État par le versement d’une allocation.

 

Mais pour ce dispositif spécifique, le pourcentage de l’indemnité versée au salarié et le montant de l’allocation remboursé à l’employeur pourraient être majorés dans des conditions et dans les cas qui seront déterminés ultérieurement par décret.

 

Le recours à ce dispositif serait possible jusqu’au 30 juin 2022.

 

 

3./   Validation ou homologation administrative :

 

L’accord ou le document unilatéral feront l’objet, respectivement, d’une validation ou d’une homologation par l’autorité administrative.

 

Le contrôle de l’administration sera renforcé dans le cas du document établi unilatéralement par l’employeur, puisqu’il portera notamment sur l’adéquation des mesures retenues par ce document, avec la situation de l’entreprise.

 

*          *          *

 

Selon le Gouvernement, ce dispositif est de nature à permettre à des entreprises, dans les prochaines semaines, d’être en capacité d’abriter durablement en faveur du maintien dans l’emploi des salariés, plutôt que qu’en faveur d’une réduction des effectifs.

 

Il faudra attendre l’adoption définitive de ce nouveau dispositif, après un passage en Commission Mixte Paritaire (le 3 juin 2020), par l’Assemblée Nationale pour envisager d’y recourir, et surtout les termes du décret d’application définissant le contenu de l’accord ou du document unilatéral, ainsi que le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation d’activité partielle qui seront appliqués.

 

En l’état, le nouvel article 1er vicies du projet de loi adopté par le Sénat est ainsi rédigé :

 


 

I. – L’entreprise ou l’établissement, mentionné au I de l’article L. 5122-1 du code du travail peut bénéficier d’un régime d’activité partielle spécifique sous réserve de la conclusion d’un accord collectif ou de l’élaboration d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi définissant le champ d’application de l’activité partielle spécifique, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation à ce titre et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.

Un décret en Conseil d’État précise le contenu de l’accord ou du plan.

 

II. – A défaut d’accord mentionné au I du présent article, un document élaboré par l’employeur après consultation du comité social et économique, lorsqu’il existe, fixe le contenu du plan d’activité réduite pour le maintien en emploi et précise les éléments prévus au même I.

Les conditions d’application et de renouvellement du plan sont précisées par décret.

 

III. – L’accord collectif mentionné au I. ou le plan mentionné au II. est transmis à l’autorité administrative pour validation de l’accord ou homologation du plan.

 

IV. – L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné au I dès lors qu’elle s’est assurée :

1° Des conditions de validité et de la régularité de la procédure de négociation et, le cas échéant, de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;

2° De la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions mentionnées au I.

 

V. – En l’absence d’accord collectif, l’autorité administrative homologue le plan élaboré par l’employeur mentionné au II, après avoir vérifié :

1° La régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;

2° La présence et la conformité de l’ensemble des dispositions mentionnées au I ;

3° L’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise.

La procédure d’homologation est renouvelée en cas de reconduction ou d’adaptation du plan.

 

VI. – L’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l’accord collectif mentionné au I et la décision d’homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du plan élaboré par l’employeur mentionné au III.

Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l’autorité administrative est motivée.

Le silence gardé par l’autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa du présent VI vaut décision d’acceptation de validation ou d’homologation. Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation ou d’homologation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires.

La décision de validation ou d’homologation ou, à défaut, les documents précités et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.

 

VII. – Pour l’application du présent article, le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation peuvent être majorés dans des conditions et dans les cas déterminés par décret.

 

VIII. – Le présent article est applicable aux accords collectifs et aux plans d’activité transmis à l’autorité administrative pour validation ou homologation, dans les conditions prévues au III, au plus tard le 30 juin 2022.