Le salarié qui décide de contester le bien-fondé de son licenciement a 12 mois pour agir.
Appelée à se pencher sur le cas d’un salarié qui avait saisi les prud’hommes un an, jour pour jour, après avoir été licencié, la Cour de cassation fait le point sur les règles de calcul des délais de prescription dans un arrêt du 21 mai 2025 (N°24-10.009).
Par Philippe Suard
Lorsqu’un salarié entend contester la rupture de son contrat de travail, il dispose d’un délai de 12 mois pour agir devant le conseil de prud’hommes (Art. L.1471-1 du Code du travail).
Passé ce délai, son action est prescrite et donc irrecevable.
Les faits et la décision de la Cour d’appel
Un salarié avait été licencié pour faute grave.
La chronologie de l’affaire était la suivante :
- 9 août 2019 : l’employeur expédie la lettre de licenciement en courrier AR.
- 10 août 2019 : le salarié réceptionne la lettre de licenciement.
- 10 août 2020 : le salarié saisit le Conseil de Pprud’hommes afin de contester son licenciement.
La Cour d’appel a jugé que l’action était prescrite. Selon elle :
- Le délai de prescription avait commencé à courir dès l’expédition de la lettre, soit le 9 août 2019,
- Ce délai s’était donc achevé le 8 août 2020 à minuit,
- La saisine du 10 août 2020 était ainsi tardive.
La position de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse cette décision et rappelle deux règles fondamentales :
1°/ Sur le oint de départ du délai de prescription :
En matière de notification par voie postale, l’article 668 du Code de procédure civile distingue :
- pour l’expéditeur : la date de l’envoi,
- pour le destinataire : la date de réception.
Par conséquent, le délai de prescription applicable au salarié commence à courir à compter du jour où il reçoit la lettre de licenciement, et non à la date de son expédition.
Dans cette affaire, le point de départ devait donc être fixé au 10 août 2019, et non au 9 août.
2°/ Sur le mode de computation du délai :
Le Code civil prévoit que « la prescription se compte par jours, et non par heures » (Art. 2228 du Code civil), ce qui implique, selon la Cour de cassation, que le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai ».
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail, ce dernier dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article 668 du code de procédure civile et les articles 2228 et 2229 du code civil :
7. D’abord, aux termes du premier de ces textes, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception.
8. Aux termes du deuxième, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
9. Selon le troisième, la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.
10. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.
11. Ensuite, selon les deux derniers, le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
12. Pour dire l’action du salarié en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme étant prescrite, l’arrêt retient, d’abord, que la notification de la rupture est intervenue le 9 août 2019, date d’expédition par l’employeur de la lettre de licenciement au regard du cachet de la poste figurant sur l’accusé de réception produit, qui justifie en outre d’une distribution du courrier dès le lendemain. Il en déduit que le salarié, à qui le document a donc été délivré, avait jusqu’au 8 août 2020 à 24 heures pour saisir le conseil de prud’hommes compétent.
13. Il relève, ensuite, que le salarié a rédigé et signé sa requête le 7 août 2020, mais que celle-ci n’a été réceptionnée au greffe du conseil de prud’hommes que le 10 août 2020.
14. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la lettre de licenciement avait été réceptionnée par le salarié le 10 août 2019, ce dont elle aurait dû déduire que le délai de prescription avait commencé à courir le 11 août 2019 à 0 heure pour s’achever le 10 août 2020 à minuit, de sorte que l’action en contestation introduite le 10 août 2020 n’était pas prescrite, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
En pratique, cela signifie que le 10 août 2019 n’était pas inclus dans le délai.
Celui-ci a commencé à courir le 11 août 2019 à 0 heure et s’achève le 10 août 2020 à minuit.
En saisissant le Conseil de Prud’hommes le 10 août 2020, le salarié avait donc respecté le délai légal.
Pour lire l’arrêt sur le site de la Cour de cassation : cliquer ici