La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 dite « Marché du travail » a été publiée au J.O. du 22 décembre 2022, après sa validation intégrale par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 15 décembre dernier (N°2022-844).
Entrée en vigueur le 23 décembre suivant, nous vous présentons les mesures phares de cette loi impactant le droit du travail.
Plusieurs dispositifs instaurés nécessitent cependant un décret d’application avant de pouvoir être déployés.

 

 

Par Hugues Wedrychowski

 

 

Les principales innovations et nouveaux dispositifs de cette loi du 21 décembre 2022 « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » sont :

 

  • La présomption de démission en cas d’abandon de poste
  • La sanction du refus d’un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim :
  • La possibilité de conclure un CDD pour remplacer plusieurs salariés
  • Les conditions liées à l’électorat et à l’éligibilité pour les élections professionnelles
  • La durée du contrat de mission des travailleurs temporaires
  • La réforme de la validation des acquis de l’expérience (VAE)
  • La « contracyclicité » des règles d’assurance chômage, soit la mise en place d’une modulation de la durée d’indemnisation d’assurance-chômage en fonction de la situation du marché du travail

 

Sous forme de petits présents de Noël à glisser sous le sapin du droit du travail, voici la présentation schématique de ces 7 mesures phares :

 

 

1°/       La présomption de démission en cas d’abandon de poste

 

Nouvel article du Code du travail : L.1237-1-1

 

Instauration (audacieuse) d’une présomption de démission en cas :

 

  • En cas d’abandon volontaire du poste de travail (absence non justifiée)
  • A défaut de reprise du travail dans le délai imparti par une mise en demeure
  • Adressée par l’employeur en courrier AR ou remise contre décharge

 

S’agissant des mentions de la mise en demeure : doit figurer une demande au salarié de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur (délai minimal fixé par décret- à paraitre).

 

Le dispositif n’est donc pas encore applicable.

 

Notre veille règlementaire est active sur ce point : nous tiendrons informés dès sa parution.

 

Le salarié conserve toutefois la possibilité de contester la rupture et de combattre cette présomption de démission en saisissant le Conseil de Prud’hommes : l’affaire est portée directement devant le Bureau de jugement qui doit statuer dans le délai d’un mois à compter de sa saisine.

 

 

2°/       La sanction du refus de deux CDI après un CDD ou un contrat d’intérim

 

Nouveaux articles du Code du travail : L.1243-11-1 et L.1251-33-1

 

Possibilité pour l’employeur de proposer au salarié que la relation contractuelle de travail se poursuive après l’échéance du terme du CDD ou de la mission d’intérim sous la forme d’un CDI :

 

  • pour occuper le même emploi ou un emploi similaire,
  • assorti d’une rémunération au moins équivalente
  • pour une durée de travail équivalente,
  • relevant de la même classification
  • et sans changement du lieu de travail.

 

La proposition doit être notifiée par écrit au salarié.

 

En cas de refus du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

 

Le constat par Pôle Emploi du refus à deux reprises par le salarié, au cours des 12 mois précédents, d’une telle proposition de CDI, entraîne la perte, sous certaines conditions, du droit au bénéfice de l’allocation chômage.

 

 

3°/       La réactivation de l’expérimentation du « contrat de remplacement unique »

 

L’article 6 de la loi du 21 décembre 2022 prévoit que dans des secteurs limitativement énumérés par décret et pour 2 ans à compter de la parution de ce décret, le remplacement de plusieurs salariés au moyen d’un seul CDD ou d’un seul contrat d’intérim devient possible.

 

 

4°/       Les conditions liées à l’électorat et à l’éligibilité pour les élections professionnelles

 

Électorat : tous les salariés âgés de 16 ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques sont électeurs, y compris ceux assimilés à l’employeur (Article L.2314-18 modifié).

 

La loi tire ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2021 sur le sujet (lire notre article sur le sujet).

 

 

Éligibilité : les salariés disposant d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le CSE sont inéligibles (Article L.2314-19 modifié).

 

 

5°/       La suppression de la limite à la durée de la mission du salarié employé dans le cadre d’un CDI Intérimaire

 

Désormais, la durée totale du contrat de mission prévue à l’article L.1251-12-1 du Code du travail n’est pas applicable au salarié lié par un CDI avec l’entreprise de travail temporaire (article L.1251-58-6).

 

 

6°/        La réforme de la validation des acquis de l’expérience (VAE)

 

Un service public de la VAE est créé (Article L.6411-1).

 

Le groupement d’intérêt public, qui en sera chargé, devra mettre en place un guichet unique, via une plateforme numérique, à la disposition des candidats.

 

Un décret viendra préciser la nouvelle procédure simplifiée de la VAE.

 

Le dispositif doit être ouvert à toute personne dont l’expérience est en lien avec la certification visée.

 

En outre, une expérimentation de « VAE inversée » est mise en place pendant trois ans dans des secteurs tendus, pour tester l’opportunité de faire du contrat de professionnalisation le support de l’accès à la certification professionnelle, en associant la voie de l’alternance et celle de la VAE (Article 11 de la loi).

 

L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 100.000 parcours de VAE par an (contre 30.000 aujourd’hui).

 

 

7°/         La « contracyclicité » des règles d’assurance chômage

 

Un nouveau mécanisme de modulation de la durée d’indemnisation d’assurance-chômage en fonction de la situation du marché du travail, selon un principe dit de « contracyclicité », est mis en place.

 

L’idée est de durcir les règles d’indemnisation quand la situation économique est bonne et quand des emplois sont à pourvoir, et d’assouplir ces règles quand la situation se dégrade.

 

Le nouveau régime annoncé, qui sera intégré dans un décret et applicable du 1er février au 31 décembre 2023, prévoit une baisse de 25% de la durée maximum d’indemnisation lorsque le taux de chômage est en-dessous de 9% ou qu’il ne varie pas de +0,8 point en un trimestre.

 

Deux mécanismes de protection sont prévus :

 

  • un minimum de 6 mois d’indemnisation garanti
  • un complément de fin de droits si l’état du marché du travail s’est détérioré.

 

Seront exclus de ce nouveau régime :

 

  • les intermittents du spectacle,
  • les dockers,
  • les marins-pêcheurs,
  • les demandeurs d’emploi en contrat de sécurisation professionnelle,
  • les expatriés et les territoires d’outre-mer.

 

 

Pour lire le dossier législatif de la loi « Marché du travail » : cliquez ici